« Detachment » de Tony Kay avec Adrien Brody – critique
Avec « Detachment« , Adrien Brody trouve un très beau rôle, comme il n’en n’a pas eu depuis quelques années. Passé par le film d’action sans vraiment convaincre, le pianiste de Polanski a donc décidé de co-produire ce nouveau film de Tony Kay, réalisateur de « American history X« .
Il y joue un professeur remplaçant envoyé dans un collège extrêmement difficile d’une banlieue new-yorkaise. Les profs y passent plus de temps à tenter d’instaurer l’ordre plutôt qu’à faire passer leur savoir à des gamins désociabilisés.
Des ados qui grandissent au milieu de parents chômeurs, sans cadres, sans objectifs, sans valeurs, pour qui le « vivre ensemble » n’a aucun sens, pour qui l’argent facile est la seule chose qu’ils retiennent des médias.
C’est donc un constat très noir et sans espoir auquel se livre Tony Kay, en agrémentant ses scènes de dessins animés sur fonds d’ardoises de classe, ou de tics de mise en scène plus ou moins inspirés.
On n’est pas dans « Entre les murs » de Laurent Cantet. La critique porte certes sur l’abandon des parents et l’abandon de l’administration vis à vis de ces profs sacrifiés, laissés à eux mêmes. Mais au-delà de cela, Tony Kay a l’ambition de rendre son propos encore plus universel en critiquant tout simplement les fondements du capitalisme, faussoyeur du rêve américain qu’il a vendu 40 ans plus tôt. Le milieu social décrit est celui d’un quart monde américain laissé totalement sur le pavé, où la communication entre les êtres n’est plus possible alors qu’ils sont tous victimes de la façon dont la société a façonné leur idée de réussite sans leur en donner les cartes. Une société annihilante qui renverrait à George Orwell...une société où la prise de conscience, la réflexion individuelle et l’implication politique n’ont plus de réels sens car les esprits sont programmés pour voir la société d’une seule façon.
Dès lors « Detachment » s’avère un film assez dépressif mais portant en lui un message de révolte sans que le réalisateur y croit, comme si le combat social était perdu…certains y verront un message « gauchiste » facile et volontairement noircissant, moi j’y ai vu une belle tentative. En effet, le sujet s’étend également à celui de comment s’épanouir et réussir sa vie en général, comment supporter la solitude et le spleen propre à chacun dès lors que l’on laisse de côté les placebos consuméristes et les objectifs de vie dictés par le regard des autres. Un sujet extrêmement ambitieux qui bien évidemment sombre parfois dans la caricature.
A vouloir trop souligner son propos, les situations sont extrêmes et parfois misérabilistes et gratuites. Comme parfois chez les Dardenne, ce genre de mise en situation provoque toujours en moi une certaine méfiance. Je me pose toujours la question du réalisme des enquêtes ayant abouti au dit scénario. Comme dans « American history X« , cette accentuation se marie parfois bien et parfois de façon gênante avec les effets de mise en scène. Le film perd hélas en force par cette mise en scène stylisée de situations fortes émotionnellement. A l’inverse, dans leur cinéma, les Dardenne font mouche quant à eux, en gardant une grande sobriété. Dès lors, je suis sorti du film ému mais avec un sentiment partagé.
Je vous invite à vous faire votre propre opinion. Le film est intéressant, bien joué, aux thèmes ambitieux et bien réalisé. C’est le mélange d’autant de qualités que j’ai du mal à additionner réellement. Comme un détachement par rapport à un film de mises en situations désespérées déjà vues de façon plus subtiles.
D’accord avec toi! C’est un film sur l’échec parental. Mais il est différent, monté comme un documentaire. A voir vraiment.