« Prometheus » de Ridley Scott – Critique du Blanc Lapin
Prometheus sort enfin après des mois d’attente interminable pour le fan que je suis de « Alien, le huitième passager« . Ridley Scott devait revenir depuis 15 ans à la série de Sf qu’il a créée en 1978 et qui bouleversa le genre. Alors verdict ?
Et bien comment dire? Il y a du très bon et du très mauvais dans ce « Prometheus« . Mais surtout, il y a eu Alien avant et même si Scott s’est défendu de réaliser un vrai prequel d’Alien, il s’agit pourtant bien d’un prequel en bonne et due forme, contraint de respecter l’univers et de donner aux fans ce qu’ils veulent voir comme clins d’oeils et indices. Curieusement, c’est le premier mauvais point du film, ce dernier voulant créer une nouvelle série indépendante, sur un ton différent, mais n’arrivant jamais à s’extirper du modèle. Et parfois, le premier jet d’une oeuvre est le meilleur, moins réflechis, plus sec, plus violent, plus surprenant. Second bémôl, ce qui faisait le sel d’Alien, c’était la surprise. Or ici, il n’y en n’a pas ou si peu. Et si vous enlevez la tension à Alien, ça devient beaucoup plus chiant.
Le film est trop explicatif et laisse au final peu de zonnes d ‘ombres. Tout le film repose sur l’idée d’expliquer qui est le « space jockey », cet extraterrestre mort fossilisé dans le premier vaisseau découvert dans « Alien, le huitieme passager ». Bonne idée. D’autant que le mythe de Prométhée s’y prête à merveille. Mais dès la première minute du film, on nous révèle tout, pas difficile de deviner qui il est et son rôle dans la saga Alien. Quelle connerie! Comment plomber tout suspens d’entrée. De la part du maitre du genre, ça fait mal. Mais si un réalisateur pouvait s’arroger le droit, au même titre que ces « ingenieurs de l’espace », de détruire son oeuvre, c’était bien Ridley Scott himself.
Alors oui, on ne sait pas tout du space jockey à la fin, comment il fait caca, ce qu’il mange le lundi, si il fait Carême ou Ramadan. Mais rassurez vous, il y aura au moins une suite, sauf catastrophe au box office. Le prequel d’origine était conçu comme un diptyque. Le vrai faux prequel qu’est Prometheus sera donc en deux parties minimum.
Alors pourquoi mettre trois lapins après tant de compliments à l’égard de Sir Ridley Scott ? Non le blanc lapin n’a ni perdu la tête ni ne souhaite vous imposer la même déception. C’est juste qu’il faut reconnaitre à ce film batard, parfois risible, d’énormes qualités qui en font un spectacle de Sf plutôt réussi, et que l’attente du fan d’Alien sera récompensée, de manière balourde mais efficace. Ridley Scott reste un show runner exceptionnel et retrouve son univers 30 ans après avec le même talent claustrophope.
Sa tentative de prolonger et d’étendre son scenario Alien est louable et même appréciable. Un film Alien est toujours construit de la même manière, quel que soit le réalisateur derrière. Le créateur a donc voulu modifier son oeuvre, voire en détruire certains aspects et y inserer des références à son autre chef d’oeuvre de Sf, Blade Runner. Il s’assimile à son space jockey et ça, c’est lourdeau mais touchant. Une naiveté et une volonté d’en foutre plus plein la vue pour le bien du spectateur. Sauf que sur Alien, il n’y avait aucun besoin de débauche d’effets speciaux. C’était même le contraire. Ne pas montrer la bébète et filmer des couloirs. En ce sens, Prometheus n’est pas un film Alien. Mais c’est un film généreux pour le spectateur, avec un parti pris, celui de tout expliquer très vite et d’en avoir assez sous le capot pour tenir la distance.
Ensuite Ridley Scott dissemine de l’Adn d’Alien un peu partout, comme une contamination d’un bon film de SF classique, non par un être supérieur mais un film supérieur, inégalable car c’est le propre du chef d’oeuvre. En ce sens, Prometheus est fascinant et peut être lu ou vu « autrement ». Si un autre réalisateur que Ridley Scott avait livré ce film, on aurait vanté son talent visuel et de mise en scène mais on aurait à la fois été plus cool dans le jugement et plus dûr au regard de la nécessité de créer cet « avant Alien ».
Prometheus s’appuit enfin sur deux acteurs solides, Noomi Rapace et Michael Fassbender. Rapace est bien entendu comparée à la Ripley de Sigourney Weaver mais son caractère est assez différent, ce qui s’avère plutôt une bonne nouvelle. Les autres personnages sont peu developpés mais pas plus que dans un film Alien classique. Michael Fassbender est quant à lui une nouvelle fois génial. Il fallait tout son talent pour insuffler à ce David la gêne qu’il créé à l’écran. Un trouble qui fait écho à la thématique du film, au fait que l’homme cherche à recréer la vie comme un dieu, et qu’en voulant lui voler le feu, il en déclenchera une punition, éternelle. Promethée vola le feu aux dieux de l’Olympe pour le donner aux hommes. Les dieux l’attachèrent à une montagne où un aigle venait dévorer son foie tous les jours, foie qui repoussait dans la nuit…le parallèle entre David et le space jockey est pour le coup parfois aussi pertinent que dans Blade Runner. C’est la bonne nouvelle du film. Et la nouveauté la plus opportune.
Il faut donc aller voir Prometheus sans en attendre un film Alien. Vous serez déçus des liens trops visibles avec la saga, et agréablement surpris de l’ambition du film, agacés par le didactisme et l’absence de tension, comblés tout de même par les réponses et le niveau du film en tant que pure Sf. Il est donc nécessaire de rester indulgent pour apprécier Prometheus. Après tout, quand vous avez vu le Aliens de James Cameron, le Alien 3 de David Fincher ou celui de Jean-Pierre Jeunet, vous connaissiez déja la fin concept inoculée par Ridley Scott dans le premier opus. Scott ne fait donc que respecter son cahier des charges en y injectant d’autres idées. Nous verrons comment le film évoluera et si la déception se mutera en autre de chose de plus terrible…qui sait ?
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.