« La part des anges » de Ken Loach – critique du blanc lapin
La grande classe de Ken Loach est d’alterner le style de ses films et de montrer parfois des situations sociales déprimantes avec une belle politesse, celle du désespoir, qui passe par l’humour, la bonne humeur de personnages simples et résistants.
Et c’est vrai que j’ai eu le sourire aux lèvres tout au long du film. En montrant de jeunes écossais condamnés à des travaux d’intérêt général, Loach va explorer la naissance d’une camaraderie et d’une lutte de classe au milieu d’une vie sans avenir. Vous me direz qu’il n’y a rien de très nouveau…mais cette fois-ci, il choisit de nous conter une histoire lumineuse. Une histoire à la morale émouvante, où l’argent reste un moyen, pas une fin en soit, gagner le max de blé sur un coup a moins de sens que de remercier son bienfaiteur désintéressé. Les personnages refusent la violence physique et entreprennent un coup tordu pour se refaire, repartir sur des bases saines et sereines. Le film constitue en soit un beau pied de nez où les principes avares du capitalisme sont gentiment détournés par de petits robins des bois écossais aux trognes fort sympathiques.
On est dans le ton léger et drôle mais pas pour autant un film mineur de Ken Loach. Le déterminisme social est tout aussi fort mais à 76 ans, Loach se veut combatif et optimiste. Et le regard tendre pour ses personnages paumés et exclus du système n’a d’égal que l’optimisme taquin et goguenard de l’ensemble du long métrage. Comme une soirée passée entre potes autour d’un bon Whisky, refaire le monde n’apporte rien de plus qu’un sentiment de se sentir moins seul et moins isolé. Voir un film de Ken Loach en mode choral, ce qui n’est pas son habitude, provoque un peu le même sentiment grisant. On est un peu chez soi, dans un univers connu et balisé au cours d’une filmographie riche de 30 longs métrages dont très peu de ratés.
Un cinéma qui ne donne jamais dans les grands discours, qui ne fait que montrer des pauvres se démerder comme ils peuvent pour surnager. Parfois c’est triste et noir, parfois c’est drôle et terriblement touchant comme dans cette « Part des anges », très réussie. Mais dans tout Ken Loach de bon niveau, c’est la justesse du scénario, du jeu d’acteurs non professionnels et du style épuré hérité du documentaire qui font que la recette fonctionne à merveille et font de Ken Loach un grand monsieur. Respect pour ce film et la régularité de cette filmographie, très classe.
Une critique cinema qui dit « lutte de classe » et « capitalisme », je dis respect !