« Wrong » de Quentin Dupieux – critique du Blanc Lapin
Après « Rubber » et « Steak » avec Eric et Ramzy, Quentin Dupieux, poursuit sa filmographie volontairement perchée et très originale, mais il le fait aux Etats-Unis.
L’histoire suit Dolph, interprété par Jack Plotnick, inconnu jusqu’ici mais très bon dans son genre, un type viré depuis trois mois qui retourne quand même tous les jours à son bureau, sous les yeux de ses ex collègues effarés, et qui se réveille un matin sans son chien. Son toutou adoré, Paul, seule raison d’être de son existence, a disparu…son jardinier, interprété par Eric Judor vient lui annoncer que le palmier dans son jardin a disparu, remplacé par un sapin…Dolph appelle une pizzeria pour discuter de la raison du choix du logo sur le prospectus et tombe sur une folle qui veut coucher avec lui….et toute l’histoire est une suite de situations cocasses de ce type, parfois drôles parfois juste décalées. Un surréalisme revendiqué dès la première minute.
En sous texte, Quentin Dupieux dépeint une Amérique profonde vraiment à l’ouest entre consumérisme, petits jobs de merde et american dream en promo dans des balieues qui se ressemblent toutes, un peu comme le feraient les Coen mais avec un style qui se veut non sensique, entre les Monty Python et David Lynch ou Buñuel ou Resnais ? Non, pas vraiment, plutôt un style propre et c’est bien à la fois la force et la faiblesse du réalisateur.
Sa force parcequ’il faut avoir les couilles de partir sur ce type de narration au risque de larguer beaucoup de spectateurs. Et parcequ’il a vraiment un style, qu’on aime ou qu’on s’ennuie. La faiblesse parceque, à force de baser l’évolution de son scénar sur le loufoque, comme seul moteur du film, il finit par lasser et non par nous perdre. Car très vite, il est facile de comprendre que le film n’apportera pas grande surprise dans la narration puisqu’il n’y en n’a pas beaucoup, enfin très peu. Ensuite on espère que le réalisateur ne se contentera pas de l’aspect Ofni de son film et y apportera davantage, un fond. Hélas, le sous texte est quant à lui soit inexistant soit très lourd.
On a compris, pas la peine de multiplier les scènes avec des américains perçus comme des caricatures, des stéréotypes divers, sans aucune « normalité » autour d’eux. Quand on veut étayer une critique ou un portrait, il est toujours mieux, à mon sens, d’avoir du relief, du contre champ, bref ici, de la normalité. Parceque là très honnêtement, je me suis demandé ce que voulait nous dire le réalisateur. Et j’ai bien peur qu’il n’ y avait rien à dire, juste un style à exposer et sur exposer. Les Monty Python étaient drôles car leurs films étaient volontairement comiques et absurdes. Ils n’ont fait que deux films avec une histoire qui se tenait (Sacré Graal et La vie de Brian), le troisième, Le sens de la vie, était une suite de sketches sur un thème plus ou moins commun. Mais auraient ils pu continuer leur carrière si Graham Chapman n’était pas mort. Pas certain du tout. Après, Dupieux penche probablement plus vers Resnais et Buñuel donc pas vers de l’humour délirant…et là j’avoue pour ma part que ce cinéma surréaliste m’ennuie, profondément, car en ne considérant pas le spectateur et l’effort qu’il doit faire pour suivre le film, voir en tordant le fil conducteur jusqu’à le casser, l’effort finit souvent par rendre l’objet incongru, inabordable. Sauf lorsque cela fascine. Or là, j’y vois plus la livraison d’un objet prétentieux car justement voulant atteindre ces maitres, mais dans lequel il y a une direction, c’est juste qu’elle est inintéressante.
Le problème de « Wrong » en fait, c’est qu’il n’est pas assez brillant, pas assez hilarant (juste marrant), un peu trop autiste. La bande des Python était une bande, avec six possibilités de points de vue différents. David Lynch lui est atypique, un monstre sacré capable de vous cueillir avec une histoire à laquelle on ne comprend pas tout justement. Ce n’est pas facile d’emprunter ce chemin mais c’est courageux. Qui sait, peut être qu’un jour, un certain recul, une certaine maturité permettra au réalisateur français de toucher juste. Mais pour l’instant, ceci ressemble plus à un exercice de style, sorti d’école de ciné, un peu trop poseur parcequ’un peu trop à 100% dans un sens. Le moteur tourne à vide et on finit par un peu s’emmerder, gentiment, poliment car respectueux de l’effort de nouveauté.
Bref, un film intéressant par sa direction radicale et quelques scènes drôles mais tout de même cette impression amère de creux, de vide dans la structure et de perte de temps. C’est d’autant plus frustrant que Dupieux a un talent évident, peut être manque t il un peu de modestie pour penser qu’il réussira un film novateur sans plus de recherche créatrice qu’une accumulation sans but. Une facilité qui ne tient pas la route, hélas.
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