François Ozon confirme avec son nouveau long métrage qu’il sait trouver des sujets vraiment originaux dans le cinéma hexagonal actuel et les porter à l’écran avec classe.
En choisissant d’aborder la prostitution d’une jeune mineure, il sait très bien que son thème peut être hélas d’actualité, aux vues des articles divers sur des étudiant(e)s se prostituant pour arrondir facilement leurs fins de mois. Mais son film aurait pu verser dans le sordide, le misérabilisme, le voyeurisme, le consensualisme d’une dénonciation à la fois moralisatrice et déjà traitée maintes fois…
On aurait pu craindre aussi une certaine provoc déjà rencontrée chez lui mais qui aurait pu virer au très mauvais goût.
Ozon évite tous ces écueils et réussit de nouveau à transcender son concept, tout comme dans son dernier, « Dans la maison« .
Il faut bien entendu apprécier de nouveau son casting d’une très grande justesse, que ce soit le rôle principal porté par Marine Vacth que les parents joués par Géraldine Pailhas et Frédéric Pierrot, parfaits.
Mais surtout, Ozon aborde la prostitution sous un angle plutôt inédit. La jeune femme découvre le sexe mais pas l’amour, pas les sentiments et se tourne vers la prostitution par pure transgression, par provocation, par curiosité et surtout, volontairement.
Elle n’est pas malheureuse et c’est ce qui pourrait choquer…l’absence de dénonciation. C’est qu’Ozon préfère zapper cet aspect car on se doute bien qu’il n’est pas question de faire l’apologie, de juger ou de dresser un portrait complet du sujet mais plutôt de s’intéresser à la façon dont la jeunesse d’aujourd’hui conçoit le sexe et l’argent.
Le sexe est partout, facilement disponible. Tout se vend tout s’achète et dès lors dans ‘esprit du personnage, la distinction entre ce qui est bien ou mal n’est pas évident. Elle assume son choix, elle désire se perdre, elle recherche quelquechose, une sensation, une excitation. C’est l’acte transgressif qui la pousse plus que le besoin. Elle n’est pas en manque d’argent, issue d’un milieu plutôt aisé. Non, ici ce qui l’attire est ailleurs et ce qui lui manque aussi. Cette froideur et cette absence de sentiments naissants pour un garçon de son âge sont troublants mais pas surprenants forcément.
François Ozon conte cette histoire avec une grande fluidité, une mise en scène sans fioritures, efficace, une BA adaptée, et alterne brillamment le cocon familial rassurant où l’héroine ne manque de rien et cet ailleurs, cette fuite, cette mise en danger vers laquelle cette jeune fille trop jolie cherche à s’aventurer. Un mal qui n’a pas de raisons évidentes aux yeux de l’extérieur mais qui s’exprime de cette façon chez ce personnage en construction, qui cherche ses repères, ses limites, en s’abimant volontairement, sciemment.
La sortie de l’adolescence peut s’avérer cruelle et violente, la métaphore d’Ozon est en ce sens bien plus intéressante que l’histoire tapageuse d’une gamine qui fait la pute. Explorer la perversité et le coté sombre est toujours délicat, Ozon arrive à rester équilibré tout du long. Son film est sec et juste, restant à la distance suffisante pour prendre la hauteur nécessaire avec son sujet et éviter tous les clichés qui auraient pu s’accumuler. Excellente réussite.
La piste aux Lapins :
Cet article a été publié le 25 août, 2013 à 23:05 et est catégorisé sous Films, Films - critiques perso.
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