Les meilleurs films de l’année du blanc Lapin – Partie 1 (de 20 à 10)

Comme chaque année depuis 4 ans, le Blanc Lapin vous livre son classement des films préférés de cette année. C’est subjectif et heureusement mais faites moi confiance, les 20 films sélectionnés sont tous bons, tous 4 lapins minimum au compteur.

Alors pourquoi 20 alors que les autres années c’est 15 ? Et bien parceque 2013 aura été riche en films de très bon niveau et qu’il me semblait dommage de ne pas reparler de certains d’entre eux une dernière fois avant de refermer ce millésime. Ca peut aider à sélectionner les films à voir en Dvd ou ou redifs sur des chaines cablées.

Petite précision, le Blanc Lapin n’a pas vu le Scorsese ni le film de Joseph Gordon Lewit et ces deux là, qui sentent très bon, passeront donc sur 2014 puisqu’ils sortent le 25 décembre.

Allez on commence, avec la critique du blanc lapin à chaque fois…

 

Les meilleurs films de l'année du blanc Lapin - Partie 1 (de 20 à 10) dans Dossiers hr_Passion_1

N°20 - »Passion » de Brian de Palma
Avec ce remake du dernier film d’Alain Corneau, et alors que « Crime d’amour » était plutôt mineur et raté, Brian de Palma renoue avec le brio de sa mise en scène.
On retrouve le maître enfin, après plus d’une décennie de films mineurs et décevants. De Palma revient au thriller sexuel qui a fait son succès dans les années 70 avec « Obsessions« , « Pulsions« , ou « Body double« .
« Passion » traite donc du rapport de force et de séduction entre deux femmes à des postes clé d’une grande société de publicité. La séduction de Rachel McAdams, méconnaissable en blonde sulfureuse s’oppose à l’attitude sage et soumise de son apparente victime, Noomi Rapace. Cette dernière excelle comme d’habitude et use de son visage énigmatisue pour cacher tant ses doutes que sa propre duplicité. De Palma va alors se faire plaisir et rendre un superbe hommage à sa propre filmographie mais aussi à celle d’un certain Alfred Hitchcock, poussant le suspens avec une accéleration d’images et de thèmes musicaux jusqu’à l’obsession. A la manière d’un Polanski avec son « The ghost writer« , De Palma synthètise son cinéma et s’autoréférence pour mieux le moderniser et livrer un film d’un faux classicisme mais dont l’impact est surprenant d’efficacité.
De palma fait monter la pression sur quelques choix de mise en scène radicaux parfois très eighties qui auraient pu s’avérer ridicules ou has been mais qui au contraire s’affirment avec classe. Le jeu d’ombres de la plupart des scènes qui suivent la déclaration de guerre des deux femmes est assez impressionnant.
Le film est sulfureux mais ne vire ni dans le voyeurisme ni dans l’érotisme chic, préférant utiliser les codes du thriller et se jouer de cette fausse relation lesbienne.
Les retournements se mèlent au mélange entre rêve et réalité, se jouant du spectateur comme les personnages se dupent eux mêmes entre eux.
Brian De Palma est donc de retour en très grande forme à 72 ans et c’est forcément une excellente nouvelle. Après la renaissance artistique de son pote Francis Ford Coppola il y a quatre ans, on peut se rassurer qu’un tel artiste ne soit pas enterré et qu’il taquine de nouveau les sommets sur lesquels il nous a si souvent transportés.

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N°19 – « Mobius » de Eric Rochant

Le pitch : Grégory Lioubov, officier des services secrets russes est chargé de trouver le moyen de faire tomber un homme d’affaire russe. Installé à Monaco avec son équipe, il va recruter Alice, une jeune requin de la finance qui travaille pour sa cible. Mais Grégory va entrer en contact direct avec elle et entamer une liaison, rompant la règle d’or qu’on lui a toujours inculquée…la passion va naitre entre eux et tout remettre en cause…

Le retour d’Eric Rochant, après six ans d’absence, s’effectue en force, le réalisateur français nous livrant un film d’espionnage digne de ses ainés américains, avec un truc en plus.

L’auteur d »Un monde sans pitié » nous avait déjà montré il y a presque 20 ans avec « Les patriotes« , qu’il savait mener de bout en bout une histoire d’espionnage en rendant son univers des plus secs, inhumains et crédibles dans les rapports entre agents. On retrouve ici la même signature mais avec un cadre différent des services secrets israeliens puisqu’ici c’est le cynisme de la haute finance internationale qui mène la danse. En ceci le film est nettement plus incisif que « Le capital » de Costa Gavras, alors même que le sujet n’est pas là. Mais son approche est juste et plus fine.

Moebius-d-Eric-Rochant_portrait_w674 dans Films - critiques perso

Le grand atout du long métrage c’est d’allier mise en scène au cordeau, avec une tension de bout en bout, empruntant aux classiques de l’espionnage mais avec des espions et des personnages de chair et de sang. Jean Dujardin est très loin de ses rôles de comiques et rappelle qu’il est bon acteur dans tous les registres. Crédible en homme tiraillé entre la fidélité à son père spirituel et l’amour naissant, son visage exprime très bien le doute qui s’installe, là où pourtant ce n’était pas gagné. On a tellement l’habitude de le voir utiliser son visage élastique pour faire rire, que l’agent Oss 117 aurait pu flinguer cet agent très sérieux.

Quant à Cécicle de France, outre qu’elle est toujours aussi belle et méconnaissable les cheveux blonds et mi longs, elle trouve à nouveau un rôle à la mesure de son talent. L’alchimie des deux acteurs était indispensable et elle se voit à l’écran. Ce qui manque souvent dans les films d’espionage c’est l’humain car le genre restranscrit des individus se comportant comme des êtres de sang froid. Ici les scènes d’amour sont sensuelles et touchantes. L’armure des deux personnages si sûrs d’eux, qui se fendille, donne au film un très beau souffle, et transforme un thriller super bien mené en une histoire d’amour poignante.

Möbius est un film sophistiqué, précis, humain et au déroulé implacable, où l’intime se mèle à la manipulation avec classe. On suit le ruban sans se douter de l’issue. Une grande réussite.

 

 

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N°18 – « Prisoners » de Denis Villeneuve

 

Après son excellent « Incendies« , oscar du meilleur film étranger, Denis Villeneuve revient cette année avec deux films très bien accueillis par la presse. « An enemy » sortira en 2014 mais pour l’instant c’est son « Prisoners » avec Hugh Jackman et Jake Gyllenhaal qui nous impressionne.

Villeneuse garde le sombre et l’ultra dark qui caractérisait « Incendies » dans ce thriller à couper au cordeau. Jackman joue un père dont la fillette s’est faite enlevée avec celle de ses meilleurs amis et qui est persuadé qu’un jeune simple d’esprit est le kidnapeur ou le complice. Gyllenhall joue lui l’enquêteur de police très professionnel mais méthodique qui tente de résoudre son affaire sous la pression du père, qui veut se faire justice lui même.

« Prisoners » nous dresse un tableau de l’américain de classe sociale modeste, entre reclusion sur lui même et paranoia.

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Le film installe au bout d’à peine 5 minutes un suspens halletant, une course contre la montre pour retrouver deux fillettes qui peuvent mourir à tout instant selon qu’elles ont été laissées seules enfermées ou qu’au contraire le pervers se trouve avec elles. Et au jeu du suspect, Denis Villeneuve brouille les pistes suffisamment pour nous perdre en même temps que le personnage de Jackman, très bien dirigé, se perd dans des fausses pistes, tout comme le flic impuissant devant ce qui leur semble irrésolvable.

Le seul suspect étant quasi muet et mentalement dérangé, chacun va se trouver confonté à un mur de silence, et au risque de faire erreur, de ne pas s’interesser au bon suspect. Bien sur, l’état psychologique des deux familles est parfaitement rendu. Mais surtout, le film ne sombre pas dans le mélo et la tension permanente nous embarque sans lâcher prise sur quand même 2h33 de film, ce qui est assez fort en soit.

Villeneuse profite donc de son redoutable thriller pour aussi aborder le thème de l’autojustice, de la limite morale de chacun face à l’horreur. A quoi est on prêt pour sauver deux enfants des griffes d’un monstres ? Peut on tout faire ou donner sa confiance aveugle dans la police, qui n’a pas forcément les moyens suffisants de remuer ciel et terre. L’impuissance des familles, de la population et du flic constituent ainsi le climat général pesant du film, au bon sens du terme, car il nous immerge dans la torpeur des familles.

On pense à « Mystic River » d’Eastwood pour la perte de repères moraux de personnages confontés à l’horreur et à « Zodiac » de David Fincher pour la traque du criminel fantôme, collés derrière chaque protagoniste.

Denis Villeneuve signe l’une des excellentes surprises de cette fin d’année.

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N°17 – « The immigrant » de James Gray

Cinq ans d’attente nous séparent du précédent et magnifique film de James Gray, « Two lovers« . Le cinéaste a de nombreux projets mais a beaucoup hésité. Et puis l’animal est très respecté en Europe mais pas franchement reconnu aux Etats-unis, sur ses propres terres.

Pourtant James Gray est l’un des plus grands réalisateurs de sa génération, il est aussi doué et marquant que Wes Anderson, Darren Aronofsky ou Paul-Thomas Anderson.

Comme à son habitude, son film « The immigrant » s’est fait descendre à Cannes avant de retrouver des couleurs dans la presse française de cette semaine, lors de sa sortie.

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Gray rerouve son acteur fétiche, son double de cinéma, Joaquin Phoenix qui est parfait comme à son habitude, mélange d’animal fougueux et blessé. Mais cette fois-ci le réalisateur décide d’une part de livrer le premier rôle à une femme, Marion Cotillard et d’autre part de s’attaquer au film en costunes. L’histoire se déroule en 1921 à New York et suit Ewa, jeune immigrée polonaise dont la soeur est gardée à la frontière en quarantaine dès leur arrivée, pour cause de tuberculose. Ewa n’aura de cesse que de récupérer sa soeur et va pour se faire tomber sous la coupe d’un proxénète. Mais les rapports entre eux vont s’avérer plus nuancés et complexes qu’on pourrait l’imaginer.

Ceux qui n’aiment pas Cotillard risquent de ne toujours pas aimer. Perso, je trouve qu’elle joue bien, en tout cas dans ce film, elle n’en fait pas trop. Son accent polonais est impeccable et elle reste fragile sans jamais tomber dans la démonstration d’actrice. Gray arrive à donner à son histoire particulièrement sombre, des élans de drames qui font penser justement à ses précédents opus, où chaque personnage n’est ni bon ni honnête. Chacun essaye de se sortir comme il peut de la misère, quitte à exploiter l’autre, mais pas sans sentiments, pas de façon détachée mais avec une ambiguité touchante.

La construction du film manque certes quelques peu du souffle qu’on a pu connaitre dans les précédents opus, mais globalement, le film vous tient en haleine et ne peut pas vous laisser indifférent. Il est vrai que James Gray sort rarement les violons et préfère une certaine pudeur, un certain recul que de verser dans du lacrymal démonstratif. Mais c’est tout ce qui accentue l’impact émotionnel de ses histoires.

Gray rend ainsi hommage à sa propre famille qui a du repartir de zéro une fois le pied en dehors du bateau, à ces millions d’anonymes qui ont du s’abaisser et accepter l’humiliation avant de s’intégrer. Le sous-texte politique, le regard historique et critique de James Gray sont des élèments clés de la réussite du long métrage. Le célèbre chef op Darius Khondji enrichit le film d’une superbe lumière chaude dans les intérieurs et glaciale en extérieur, accentuant l’antagonisme entre la liberté pour l’héroine de fuir dans l’inconnu ou celle d’accepter de poursuivre la prostitution dans un cocon protégé.

La subtilité du film et l’habituelle mais classieuse mélancolie de James Gray font de « The immigrant » l’un des très bons films de cette fin d’année à ne surtout pas louper.

 

N°16 – « Jeune et Jolie » de François Ozon

François Ozon confirme avec son nouveau long métrage qu’il sait trouver des sujets vraiment originaux dans le cinéma hexagonal actuel et les porter à l’écran avec classe.

En choisissant d’aborder la prostitution d’une jeune mineure, il sait très bien que son thème peut être hélas d’actualité, aux vues des articles divers sur des étudiant(e)s se prostituant pour arrondir facilement leurs fins de mois. Mais son film aurait pu verser dans le sordide, le misérabilisme, le voyeurisme, le consensualisme d’une dénonciation à la fois moralisatrice et déjà traitée maintes fois…

On aurait pu craindre aussi une certaine provoc déjà rencontrée chez lui mais qui aurait pu virer au très mauvais goût.

Ozon évite tous ces écueils et réussit de nouveau à transcender son concept, tout comme dans son dernier, « Dans la maison« .

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Il faut bien entendu apprécier de nouveau son casting d’une très grande justesse, que ce soit le rôle principal porté par Marine Vacth que les parents joués par Géraldine Pailhas et Frédéric Pierrot, parfaits.

Mais surtout, Ozon aborde la prostitution sous un angle plutôt inédit. La jeune femme découvre le sexe mais pas l’amour, pas les sentiments et se tourne vers la prostitution par pure transgression, par provocation, par curiosité et surtout, volontairement.
Elle n’est pas malheureuse et c’est ce qui pourrait choquer…l’absence de dénonciation. C’est qu’Ozon préfère zapper cet aspect car on se doute bien qu’il n’est pas question de faire l’apologie, de juger ou de dresser un portrait complet du sujet mais plutôt de s’intéresser à la façon dont la jeunesse d’aujourd’hui conçoit le sexe et l’argent.
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Le sexe est partout, facilement disponible. Tout se vend tout s’achète et dès lors dans ‘esprit du personnage, la distinction entre ce qui est bien ou mal n’est pas évident. Elle assume son choix, elle désire se perdre, elle recherche quelquechose, une sensation, une excitation. C’est l’acte transgressif qui la pousse plus que le besoin. Elle n’est pas en manque d’argent, issue d’un milieu plutôt aisé. Non, ici ce qui l’attire est ailleurs et ce qui lui manque aussi. Cette froideur et cette absence de sentiments naissants pour un garçon de son âge sont troublants mais pas surprenants forcément.
François Ozon conte cette histoire avec une grande fluidité, une mise en scène sans fioritures, efficace, une BA adaptée, et alterne brillamment le cocon familial rassurant où l’héroine ne manque de rien et cet ailleurs, cette fuite, cette mise en danger vers laquelle cette jeune fille trop jolie cherche à s’aventurer. Un mal qui n’a pas de raisons évidentes aux yeux de l’extérieur mais qui s’exprime de cette façon chez ce personnage en construction, qui cherche ses repères, ses limites, en s’abimant volontairement, sciemment.
La sortie de l’adolescence peut s’avérer cruelle et violente, la métaphore d’Ozon est en ce sens bien plus intéressante que l’histoire tapageuse d’une gamine qui fait la pute. Explorer la perversité et le coté sombre est toujours délicat, Ozon arrive à rester équilibré tout du long. Son film est sec et juste, restant à la distance suffisante pour prendre la hauteur nécessaire avec son sujet et éviter tous les clichés qui auraient pu s’accumuler. Excellente réussite.

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N°15 n- « Only god forgives » de Nicolas Winding Refn

Ultra attendu depuis le succès critique et public de « Drive« , Nicolas Winding Refn entre en compétition pour la palme d’or aujourd’hui.

Et si vous voulez mon avis …il la mérite !

Mais attention, beaucoup d’entre vous risquent de ne pas aimer, du tout. Car si le réalisateur danois reprend Ryan Gosling en héros quasi muet, sa mise en scène est plus proche de celle de « Walhalla rising, le guerrier silencieux« , à savoir une économie de mots associée à un climat, une lenteur, parsemée d’excés de violence. Un film d’ambiance plus qu’une histoire. Mais quand on a du style et de la classe, on n’a pas forcément besoin de scénario.

Ce dernier tient sur un ticket de métro et n’aurait rien à envier d’un film bourrin de vengeance façon Steven Seagal. D’ailleurs, certains spectateurs m’ont bien gonflé dans la salle à rire à soupirer ou s’émouvoir des giclées de sang. De grâce, si vous n’aimez pas, ayez le respect de le garder pour vous. D’autres à côté peuvent adorer. Et ce fut mon cas. Exprimez vous sur des forums ou sur des blogs mais pas dans une salle…

Le pitch est donc débile. Julian deale de la cocaine en thailande avec son frère, en se servant d’un club de boxe thaïlandaise comme couverture. Mais son frère, ordure de première, se fait descendre par un flic vengeur, après avoir violé et tué une jeune fille. La mère des deux hommes débarque et décide de venger son fils ainé.

Kristine Scott Thomas est méconnaissable et crêve l’écran dans le rôle de cette mère « monstre », castratrice, sèche, impitoyable. Gosling est lui aussi parfait mais on n’en doutait peu. Le rapport entre ce dernier et cette mère, le complexe qu’il a développé, les blocages que lui ont infligé cette gorgonne sont illustrés avec brio. Tout comme la violence sourde, tout comme la détermination du flic, interprété par l’impassible Vithaya Pansringarm, génial.

Alors oui, certains reprocherons à Nicolas Winding Refn de prendre la pause, à la limite de son autocaricature. C’est vrai qu’on n’en n’est pas bien loin, mais justement, il prend le risque.

« Only God Forgives » est un exercice de style majestueux, sombre et envoûtant. Mais il vrai que Refn devra changer un peu de style la prochaine fois, au risque de se vautrer dans le tapis rouge de Cannes 2015 ou 2016…

La bande son est presque aussi réussie que dans « Drive ». J’entend d’ici les reproches sur la violence gratuite du film, éternels relans de spectateurs n’ayant pas compris grand chose au génie du bonhomme. Qu’on m’accuse de snobisme, je m’en fout.

L’immoralité du film est coupée de scènes décalées et drôissimes où l’antagoniste de Ryan Gosling se met en scène. C’est radical, c’est rouge, et putain, c’est bon !

Mais forcément, le film est moins grands public que « Drive »…

 

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N°14 – « Shadow dancer » de James Marsh

Belfast, 1993, alors que les dirigeants de l’IRA négocient la paix, certains irréductibles poursuivent les attentats. Collette fait partie d’une famille d’activites mais se fait prendre. Mac (Clive Owen), agent secret du MI5 lui laisse le choix entre 25 ans de prison et espionner sa famille.

Excellent film que ce « Shadow dancer » sur un thème pourtant maintes fois porté au grand écran…quoique. Justement, ce n’est plus sous l’angle républicain et impérialiste que cette histoire est racontée mais plutôt vue d’une victime du système, d’une enfant du terrorisme, qui n’a pas franchement eu le choix.

Elle est malheureuse, son quotidien familial sent la mort et la perte d’êtres chers sacrifiés pour la cause. Et de futur ou d’idéal, il en est ici peu question, comme si au bout d’une guerre de dizaines et dizaines d’annés, les forces étaient épuisées, lassées, des deux côtés. La mise en scène très sobre met d’ailleurs l’accent sur le climat froid et sec de l’Irlande et sur la pauvreté des habitants et souligne cet état de fait, la guerre larvée ne fait que des morts et n’avance pas, des deux côtés.

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Le personnge de Collette, est portée par une Andrea Riseborough excellente à la mine défaite et fatiguée mais aussi mystérieuse et mutine, comme si le poids des secrets lui avait appris dès le plus jeune âge à ne rien exprimer. C’est d’ailleurs une certaine fausseté des rapports familiaux, des non dits et une vie terroriste parallèle qui font de ce milieu un univers hostile, glacé et étouffant.

Le film arrive à maintenir l’haleine tout du long par un astucieux suspens autour de l’enquête du personnage de Clive Owen. Car les menteurs sont des deux côtés, y compris chez les anglais.  Ce jeu de dupe dont des vies de civils comme d’activistes sont à la clé, est réellement porté à l’écran avec une efficacité redoutable. Elle l’est d’autant plus que James Marsh préfère filmer les silences que les dialogues et arrive ainsi à rendre l’ensemble bien plus percutant.

Le réalisateur ne prend aucun parti, il part d’un constat, dresse un tableau et utilise la crédibilité de cette situation pour surfer sur certaines recettes du thriller et livrer une des très bonnes surprises de ce début d’année.

Je vous propose la bande-annonce pour vous inciter un peu plus à y aller, le film ayant hélas eu peu de pub, il restera peu longtemps à l’affiche, dépéchez vous…

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N°13 – « Les amants du Texas » de David Lowery

Très bien accueilli dans divers festivals cette année, « Les amants du Texas » mérite tout le bien qu’on en a dit mais m’a surpris par sa traitement.

Le film a été vendu comme un pseudo Bonnie and Clyde version années 2010 mais ce n’est pas tout à fait celà, et c’est tant mieux.

L’histoire suit effectivement un couple de gangsters dans les années 60, Bob et Ruth,  mais il s’intéresse surtout à l’après arrestation de Bob. On sait dès le départ qu’il s’évadera de prison pour la rejoindre mais comment réagira t elle quatre après, alors qu’elle lui avait promis de l’attendre, avec leur petit fille, née alors qu’il était déjà sous les barreaux ? D’autant qu’un jeune flic présent lors de leur arrestation, joué par un Ben Foster tout en nuances, essaie de séduire Ruth et de l’amener dans le droit chemin. Et loin d’être un intru, son personnage est surprenant.

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Rooney Mara et Casey Affleck sont très beaux dans ce film et forment de façon crédible les deux faces d’une même pièce, un couple passionné, qui s’est connu enfant, qui s’est aimé dans la transgression criminelle et qui était un couple fusionnel. Mais la séparation et l’âge peuvent-ils avoir une incidence ? C’est l’histoire d’un amour impossible car si lui rejoint sa belle, il la condamne à l’errance et met en danger leur fillette et eux deux. Et puis elle trouve bien des qualités au policier qui la courtise et lui offre un autre futur.

De ce scénario très simple, David Lowery arrive à tirer un très beau film, tendre et désabusé à la fois. Le sursis des personnages et le danger qui les guette, l’impossibilité pour eux de se réunir, forment un creuset idéal pour illustrer comment une histoire d’amour peut résister ou fondre selon les assaults. Il aborde la thématique du choix de l’un des deux amants pour la normalité, pour se sauver soit et sauver l’autre. Et le film joue tout du long sur la décision qui sera faite entre la fuite en avant et le sacrifice amoureux qui signifie le suicide de la relation. Il faudra attendre la dernière minute pour savoir vers quelle direction ira la très belle et énigmatique Ruth, portée par une Rooney Mara parfaite. La voix nasillarde de Casey Affleck est utilisée avec soin tout au long des lectures des échanges épistolaires entre le couple. Mais le réalisateur prend surtout un parti pris, celui de filmer avec lenteur et de baigner son film d’une beauté naturelle qui fait forcément penser à Terrence Malick. Il y’a pire comme inspirateur.

Le film pourrait s’apparenter à une lente ballade sentimentale dont l’épilogue ne pourra pas vous laisser indifférent. C’est beau comme tout parcours de vie brisé, comme toute histoire qui aurait pu s’écrire autrement et dont l’épilogue tient à un fil. Et c’est un très joli film qui raisonne des regrets les plus beaux.

 

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N°12 – « The Master » de Paul Thomas Anderson

 

Voila enfin le nouveau film de Paul Thomas Anderson, l’un des meilleurs réalisateurs américains du moment, à la carrière sans fautes, de « Boogie nights » à « There will be blood », en passant par « Magniola« .
Il faut dire que « The master » est un rescapé car depuis 6 ans qu’il traine comme projet, il a bien failli ne pas se tourner, les grands studios ayant eu peur du thème, la montée d’une secte qui ressemble étrangement à la scientologie. Et sans la milliardaire productrice Megan Ellison, Anderson n’aurait pu aborder ce sujet fascinant qu’est le rapport entre le gourou d’une secte et son numéro deux, et la montée en puissance de ses idées dans une Amérique des années 50, déboussolée par la seconde guerre mondiale.

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La première évidence du film c’est que la double interprétation de Philipp Seymour Hoffman en gourou et Joaquin Phoenix en disciple est magistrale, récompensée à juste titre au dernier festival de Venise. Joaquin Phoenix avait quitté les plateaux depuis 5 ans et revient donc maigri et transformé. En jouant cet homme alcoolique, ex marine brisé par la guerre, il rencontre un rôle d’une grande finesse. En jouant à la fois vouté et parlant avec la bouche déformée, Phoenix est bluffant. Face à lui, Seymour Hoffman confirme qu’il est l’un des meilleurs acteurs au monde. Il donne à cet avatar de Ron Hubbard une bonhommie séduisante et dangereuse.

Mais là où Anderson est très fort, c’est qu’il ne présente pas les dirigeants de la secte uniquement comme des manipulateurs mais plus comme des aficionados déboussolés par le charisme d’un homme. Et cet homme complexe est lui même un peu fou et croit en partie aux délires qu’il tente de théoriser. Le détournement qu’il fait des esprits est manifeste, telle une grande entreprise de reformatage des pensées, de croisade non denuée d’intêrét personnels et financiers.

La démonstration d’Anderson est subtile. Sa mise en scène épurée et classieuse sert le recit car contrairement à ce que certains ont reproché à ce trop bon élève qu’est le metteur en scène chouchou des festivals, le manque d’émotion de l’ensemble est volontaire. Anderson ne cherche pas à provoquer de l’empathie mais plutôt à décortiquer un mécanisme et un caractère. Sa réalisation très proche de « There will be blood » permet justement de conserver la distance nécessaire. Tout comme l’infame pétrolier que jouait Daniel Day Lewis dans l’opus précité, il ne servait à rien d’épouser de trop prêt l’humanité du gourou. C’était même dangereux pour le propos général. Grâce à ce parti pris, Hoffman nous livre la figure d’un homme qui peut entrainer derrière lui des centaines de personnes sur de petits détails de personnalité, mélangeant théories scientifiques fumeuses pour créer une nouvelle croyance qui sera d’autant plus suivie qu’elle sera abérante !

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Et puis « The master » est aussi une histoire d’amour entre deux hommes hétéros que tout oppose. D’un coté l’ intellectuel délirant, ogre égocentrique qui avale toute personnalité sur son passage et de l’autre la bête blessée sans aucune direction, sans attaches et totalement exclue de la société. Les deux se fascinent autant qu’ils se détestent, s’aiment autant qu’ils se rejettent. Paul Thomas Anderson nous montre que même un grand gourou de secte peut être faillible et dépendant d’un être très éloigné de lui. Le sujet est donc brillament traité, du jeu à la mise en scène, un grand film.

 

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N°11 – « Gravity » de Alfonso Cuarón

Il est difficile de faire une critique d’un film aussi attendu et dont on parle depuis longtemps, teasé par d’éminents réalisateurs comme James Cameron.

Il faut dire que le concept de Gravity est fort et que son réalisateur, Alfonso Cuarón s’est illustré par le passé avec de bons films comme « Y tu Mama tambien« , « Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban » ou encore l’excellent film de SF, « Les fils de l’homme« .

Le film est en effet un tour de force technique assez bluffant. Il commence par un long plan séquence aboutissant sur l’explosion de la station spatiale de deux cosmonautes propulsés dans l’espace et laissés à eux mêmes.

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Puis les séquences s’enchainent avec deux personnages et deux acteurs parfaits dans leurs rôles. Sandra Bullock est plutôt habituée aux comédies sentimentales et pour ce film, elle change radicalement de registre en interprétant une scientifique qui n’a plus d’attaches sur terres. Georges Clooney apporte quant à lui la dose d’humanité et d’humour nécessaires, contrebalancant cette femme qui se retrouve seule au monde au sens propre comme figuré.

La réussite majeure de Gravity est de vous immerger dans l’espace, dans son silence, son infinité, et de faire en sorte que vous y plongiez comme aucun film n’a réussi à le rendre de façon aussi crédible. Le réalisme est sidérant, que ce soit la violence des chocs en apesanteur que la vitesse. Des images somptueuses au service d’un film dont on pourrait craindre l’ennui puisque la nana va quand même se retrouver seule à flotter dans l’espace en attendant la mort. Et même 1h35, c’est long.

Sauf que bien entendu, Alfonso Cuarón prévoit des rebondissements et ne nous permet pas un instant de relacher la tension de ce survival hyper réaliste, sans aliens, juste une femme, l’univers et la terre à rejoindre à tout prix.

Mais pourquoi? Pourquoi rejoindre la terre ? C’est là que le film prend une dimension plus intéressante encore que le résultat technique. Qu’est ce qui fait qu’on a un instinct de survie et pourquoi ?

Le film réussit à y répondre mais fait à mon sens deux fautes de goût qui le font trébucher sur la dernière marche menant au chef d’oeuvre tant hurlé par toute la presse.

D’abord une scène montre Bullock dans une position faisant référence à 2001, l’Odyssée de l’espace…une scène que j’ai trouvée facile là où le film évite pourtant la niaiserie et le pathos. Car même dans les pires moment, Gravity arrive à émouvoir de façon adulte, avec le recul de l’individu ayant pris conscience de sa petitesse face au grand vide. Une espèce de sagesse et de déterminisme qui marque les personnages et donne justement au film une belle patine. Le second écueil est aussi cette fin pompière et particulièrement chargée en terme de symbolisme…c’est dommage, Cuaron aurait pu soit éviter cette musique insupportable soit couper son film deux scènes plus tôt.

Mais ne boudons pas notre plaisir, Gravity est un excellent mixte de divertissement et de réflexion, de film grand public et de film d’auteur, original, novateur.

 

Voilà pour la première partie de mes coups de coeur cinéma 2013, les 10 meilleurs, la suite, c’est pour dans quelques jours…

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