« Le dernier loup » de Jean-Jacques Annaud – critique du Blanc Lapin
Jean-Jacques Annaud a un profil bien particulier. Il n’a connu que le succès toute sa carrière, osant s’aventurer à Hollywood dès « Le nom de la rose« , osant un film quasi animalier avec « L’ours« , ou sans paroles avec « La guerre du feu« . De ses films concepts à sa grande maitrise de la direction d’acteurs (le génial « Coup de tête » avec Patrick Dewaere), Annaud est le seul réalisateur français vraiment international, avec Besson.
Bien sûr son cinéma est grand public et vise large. Pourtant il s’est planté sévèrement sur ses deux derniers, « Sa majesté Minor« , fable vulgaire sensée être drôle et « Or noir« , autre fable sur le pouvoir et les ravages du pétrole, plutôt pas mal mais qui s’est fait descendre par la presse. Le public, pour la première fois, désertait le cinéma d’Annaud.
Les premiers chiffres montrent que « Le dernier loup » sera à nouveau un succès et refermera cette parenthèse, rejouant le concept animalier de « L’ours » et de « Deux frères« .
Co-produit par la Chine, le long métrage profitera surtout de la possibilité d’être diffusé dans l’empire du milieu et d’accéder à son marché très friand de longs métrages. La Chine autorise la diffusion sur son territoire d’un nombre limité de films par an, une cinquantaine pour les Etats-Unis et 5 à 7 pour la France. Ce sera donc un gros carton et Annaud à déjà signé pour deux autres longs métrages co-financés avec des fonds chinois, dont le premier s’intéressera à l’impératrice chinoise Cixi. On sait que le public chinois est friand de grandes fresques sur leur propre histoire. Tant « Le dernier loup » que ces prochaines co-productions ne subiront pas cette règle des quotas puisque seront considérées comme des productions chinoises du côté des autorités chinoises.
Alors vous allez me dire…mais quand commence la critique du blanc lapin ? C’est juste que je pensais utile de resituer le film dans son contexte car le résultat est lié.
La mise en scène de Jean-Jacques Annaud est toujours aussi fluide, preuve en est sa superbe scène d’attaque de nuit d’un troupeau de chevaux par une meute de loups. C’est véritablement un tour de force. Tout le film est parsemé de scènes d’une grande beauté plastique, aidé par les paysages naturels de mongolie. L’absence de stars au casting est d’ailleurs une excellente idée. Ensuite le film se suit parfaitement bien, entre fable écolo et récit initiatique d’ouverture d’un chinois des villes à la culture mongole. Les envoyés du pouvoir sont plutôt peu sympathiques et la marche forcée vers la « modernité » sont plutôt bienvenus. Le pouvoir ne s’est pas opposé à cet aspect critique du long métrage, la révolution culturelle étant loin derrière, la censure n’a donc pas impacté le film. Il faut dire qu’Annaud n’est pas non plus d’une grande vivacité dans sa critique politique puisque ce n’est pas l’objet du film.
Ensuite il y’a « ptit loup » comme l’appelle le héros, ce louveteau qu’il adopte et élève. Forcément on craque devant ce petit animal attendrissant qui grandit peu à peu sous nos yeux. Annaud a l’intelligence de ne pas créer des situations absurdes et d’aller contre la nature de l’animal. Le loup reste noble et en grand fan de loups depuis tout petit, je lui en suis reconnaissant. En revanche il ne peut pas s’empêcher, à la manière d’un Spielberg, de créer deux ou trois scènes complètement culcul, qui plantent l’ensemble du long métrage sur la fin. Ce héros qui crie « P’TIT LOUP » à tue tête dans la steppe, c’est juste la scène la plus ridicule que j’ai vue depuis très très longtemps ! C’est la plus clichée qui pouvait être tournée, appuyée par un message dans les nuages flirtant avec l’esprit Disney le plus agaçant qu’il soit.
Bref, c’est dommage car quand je penserai au film, j’aurai toujours envie de me marrer en pensant à ces scènes idiotes.
L’histoire du film ne casse pas trois pattes à un mouton mais permet aux loups de rester majestueux et au spectateur de s’évader. C’est un film TRES grand public avec les qualités de cet excellent metteur en scène qu’est Annaud et les défauts du lissage qu’il s’impose à lui-même pour toucher un public mondial. Un écartèlement qui explique le manque de surprise et la raison pour laquelle ma critique ne commence qu’à la moitié. Tout est question de contexte…
La piste aux Lapins :
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