Les meilleurs films de l’année 2015 du Blanc Lapin – Partie 1 : N°20 à 11
Exercice délicat chaque année mais pour la 7ème fois, voici le classement des films préférés par votre blanc lapin cette année…avec du N°20 à 11…
N°20 – « Lost River » de Ryan Gosling
Pour son premier film en tant que réalisateur, Ryan Gosling a choisi d’être extrêmement ambitieux au niveau de sa mise en scène et de sa bande-originale, s’inspirant très fortement des réalisateurs avec qui il a travaillé dont Derek Cianfrance (« The place Beyond the pines« ) ou Nicolas Winding Refn (« Drive« , « Only God Forgives« ).
Cianfrance lui a inspiré la caméra naturaliste qui suit ses protagonistes perdus et paumés dans un quart monde imaginaire et Winding Refn l’esthétisation à outrance et la BO qui va bien, même très bien tout au long du film.
Celles et ceux qui ont détesté l’absence de scénario de « Only god forgives« , sachez le…vous détesterez « Lost river ». Vous le trouverez poseur, vous estimerez qu’il en fait trop, que ses images sont trop léchées, trop belles et qu’il n’ y a pas suffisamment de didactisme.
Moi personnellement j’ai beaucoup apprécié cet effort et je ne l’ai point trouvé élitiste ni démonstratif, juste exigeant. J’aime les films axés sur de la pure mise en scène. Un film peut être réussi avec une histoire des plus simplistes. Or ici c’est le cas. Ryan Gosling instaure un climax pesant au cours d’une première heure qui peut sembler longue pour qui veut voir une histoire balisée. Puis le film décolle avec une poésie morbide.
La violence et le ridicule voire le grotesque côtoient un léger brin de mystérieux, enrobés par les flammes de ces maisons en pleine nuit. C’est beau et pas seulement une démonstration. Le cinéma c’est cela aussi. C’est oser sortir des sentiers battus, c’est oser des choix jusque boutistes et ne pas tomber dans la facilité. Et ce n’est pas de la facilité que de sortir de belles images, de beaux rythmes, un bel enchevêtrement de scènes parfois envoutantes et cauchemardesques. C’est du talent, tout simplement.
Bien sûr le film n’est pas parfait, les personnages auraient pu être plus poussés mais pour un premier film c’est très encourageant. La confusion du récit du début fait preuve de liberté mais sous l’emprise de très bons réalisateurs pour l’inspirer. Visuellement réussi et original, la fascination qu’il provoque reste longtemps dans la rétine. Allié à un récit plus construit, Gosling peut se faire un nom dans la mise en scène.
N°19 – « Le Grand jeu » de Nicolas Pariser
Avec ce premier film en forme de thriller politique, Nicolas Pariser livre une œuvre par bien aspects impressionnante de maitrise.
Bien sûr, Pariser a eu l’intelligence de réunir un excellent casting avec Melvil Poupaud, André Dussollier, Clémence Poésy ou encore Sophie Cattani.
Il a su parfaitement les diriger et utiliser les qualités propres à chaque acteur pour donner une densité à chaque personnage, très bien écrit.
Il va donc mêler un écrivain qui n’a pas supporté son succès d’il y a 15 ans et s’est isolé du monde, à un complot politique dont le maitre d’œuvre est joué par un André Dussolier, dans un rôle délicieux de manipulation.
L’étrangeté et le calme de Clémence Poésy tout comme l’attitude douce amer de l’exe du héros, jouée par Sophie Cattani, permettent au long métrage de ne pas être sec et de se trouver ballotté entre le désenchantement du personnage principal et la possibilité d’un futur puisqu’il a connu un passé heureux.
Melvil Poupaud, trop rare sur nos écrans, est à nouveau parfait dans sa prestation, aidé par des dialogues assez rarement aussi bien écrits.
Le film a beaucoup de charme alors qu’il nous parle des lendemains qui chantent, de désillusions qui peuvent tourner au cauchemar.
Le grand jeu parle du système politique cynique comme de la cohérence entre des idéaux et la mise en pratique de ces derniers.
Le film manque peut être de tension parfois et aurait mérité quelques rebondissement plus dans la veine du genre. On regrette parfois que tout un pan de l’histoire semble se passer hors champs.
Disons que le suspense n’est pas assez fort mais que le jeu d’acteur, le fond des dialogues et la mise en scène rattrapent en bonne partie cette lacune volontaire probablement.
Il n’en demeure pas moins que « Le Grand jeu » est un film élégant vivement conseillé par votre blanc lapin préféré.
N°18 – « Knight of Cups » de Terrence Malick
Je suis un grand fan de Terrence Malick, cet auteur culte qui se cache derrière « Les moissons du ciel« , « Badlands« , « La ligne rouge » et « Le nouveau monde« , quatre bijoux d’onirisme, d’ode à la vie…puis le maitre a pris un tournant dans sa carrière avec « Tree of life« , qui fut récompensé de la palme d’Or. J’ai beaucoup aimé le film avec Brad Pitt malgré l’absence totale de dialogues, Malick décidant d’opter exclusivement pour une voix off exprimant les tourments et pensées des personnages sur des images perchées exprimant tant leurs émotions que des émerveillements du cinéastes sur la filiation, la passation d’une génération à l’autre etc…Il poursuit avec « A la merveille » et un Ben Affleck muet et là pour le coup je décroche complet car le film est encore plus radical, détruisant encore plus le lien narratif entre les époques de la vie d’un homme infidèle.
Avec « Knight of Cups« , Malick retrouve Christian Bale mais n’abandonne pas ce nouveau style qui semble lui convenir même si il peut perdre le spectateur et rendre son propos parfois autiste et reclus sur ses propres réflexions. C’est dommage car sa mise en scène est somptueuse et son choix artistique trop radical. Il n’invite pas le public à entrer dans ses ressentis de la vie car justement, les personnages ne s’expriment qu’en voix off par bribes de phrases ou de réflexions. C’est donc décousu et il convient de s’accrocher pour suivre, recomposer le lien volontairement mis de côté. Le film étant chronologique, l’effort n’est pas considérable mais il existe tout de même.
Quant aux réflexions du cinéaste, on en loupe forcément puisqu’il ne les exprime pas par des mots et des pensées constituées autour d’un argumentaire. Il est donc vite possible de décrocher. D’autant que le film peut paraître long parfois. Pourtant, pourtant, malgré ces remarques, le film a quelquechose de fascinant. Je ne peux m’empêcher de me dire que je l’ai vu à un moment où je n’étais pas disponible pour voir ce type de film. C’est sensuel, sensitif et brillant par les thèmes abordés sans aspect démonstratif mais juste avec des scènes de vies où Chistian Bale est de tous les plans mais n’exprime aucun mot de sa bouche. On devine juste dans quel univers il évolue et quels sont les dispositions des autres personnages voire ce qu’ils ont du vivre pour en arriver là. C’est un film sur un homme en perdition de repères. Et c’est ce choix d’illustration radical qui nous montre un Christian Bale évoluant comme un étranger au milieu de sa famille, de fêtes somptueuses et décadentes, d’un Las Vegas de stripteaseuse ou tout simplement en pleine nature. On ne comprend pas tout et c’est frustrant. Mais le montage de Malick, le foisonnement d’images de toute beauté dont urbaines (ce qui est nouveau), font de « Knight of Cups » un récit déroutant par sa splendeur et sa prise de hauteur.
C’est donc compliqué de noter ou critiquer un tel film. J’ai plutôt adhéré au concept, été happé par la virtuosié hypnotique de Terrence Malick mais j’ai été aussi sorti du film à plusieurs reprises par manque de narration et besoin qu’on m’aide à y retourner. J’aimerais déjà revoir le film et surtout que Malick revienne davantage à un cinéma plus classique pour moi, simple blanc lapin, qui n’ait pas les chakras suffisamment ouverts pour tout percevoir d’un coup d’un seul. « Knight of Cups » est un film énigmatique et une expérience sensorielle déroutante.
N°17 – « Sicario » de Denis Villeneuve
Denis Villeneuve s’est imposé comme l’un des grands réalisateurs à suivre avec le superbe « Incendies« , le très bon thriller « Prisoners » et s’apprête à réaliser la suite de « Blade Runner« , ce qui rassure sur ce projet.
Avec Sicario, il s’intéresse à un membre un FBI jouée par une Emily Blunt au visage énigmatique, qui va être recrutée dans un groupe d’intervention du gouvernement américain ayant pour mission de faire tomber un baron mexicain de la drogue, à tout prix, quelles que soient les méthodes utilisées.
Le film se veut réaliste et premier degré d’où certaines scènes violentes et qui paradoxalement sont du fait des agents du gouvernement et non des narcos trafiquant. On les voit dans l’action là où l’horreur des représailles des narcos se voit par des images furtives des victimes ou tout simplement par un personnage qui raconte comment ils se vengent, un peu ce que Ridley Scott avait adopté dans « Cartel » comme méthode. La violence de la description des assassinats est souvent plus traumatisante car elle laisse deviner et imaginer et s’en avère plus effroyable encore.
Bien entendu, Benicio Del Toro traine avec souplesse son énorme carcasse de félin et imprègne le film de son talent. C’est un personnage sombre dont la dualité le rend dangereux à tout moment. Le personnage est taillé pour lui et arrive à donner un visage humain aux narcos comme aux repentis mais aussi à expliquer la spirale infernale de ces milieux de fous.
Alors j’ai entendu beaucoup de gens me dire que le thème les emmerdait et que des tas de films avaient été faits sur le sujet. Oui, mais tout est question de latent et celui de Denis Villeneuve est très grand. Il embrasse son histoire comme un film d’action aux enjeux moraux vraiment intéressants. Jusqu’où aller pour faire tomber l’ennemi, faut il aller jusqu’à adopter se propres métopes ou faut il s’arrêter avant et comment juger de la limite ?
Villeneuve est virtuose dans sa mise en scène avec pour exemple cette scène où il fait d’une ville mexicaine un monstre en la regardant du haut du ciel et en faisant s’y immerger un ballet de véhicules des forces spéciales, qui partent dans l’inconnu et le danger total.
Il filme le crépuscule et l’abime morale dans laquelle il faut plonger pour trouver ces narco trafiquants et les détruire. Un très bon film.
N°16 – « Foxcatcher » de Bennett Miller avec Channing Tatum et Steve Carell
Le plus flippant dans ce film du réalisateur de « Truman Capote », c’est qu’il est tiré d’une histoire vraie. Un milliardaire se prend de passion pour la lutte et décide de débaucher deux frères champions toute catégories et de fonder une école puis remporter les Jeux Olympiques;
Prix de la mise en scène lors du dernier festival de Cannes 2014, le film de Bennett Miller est d’une maitrise formelle implacable. Sa mise en scène sobre, tout en retenue voir froide et distanciée, va permettre d’instaurer un cadre idéal à l’évolution du drame.
Steve Carell, transformé et à 1000 lieues de ses rôles comiques, impressionne dans son rôle de grand frustré, qui a raté sa vie personnelle, dans l’ombre de sa mère, et décide d’utiliser son pouvoir et son argent pour tordre le cou à la réalité. Sa mégalomanie, son besoin de revanche sur les autres, de prouver à sa mère qu’il est autre qu’un héritier chanceux, font du personnage un être terrifiant. Il ne parle que très peu, énigmatique, son regard est insondable et son comportement parfois flippant. C’est l’histoire d’un médiocre qui utilise son argent pour assouvir ses phantasmes de gloire et son patriotisme délirant. Le désir d’un puissant qui n’a que son argent comme atout est terrible. Le risque qu’il détruise ce qu’il n’obtient pas, ce qu’il ne possède pas, va accompagner tout le long métrage, comme un danger qui se tapit dans l’ombre.
Le film nous surprend par son évolution, faussement linéaire, son calme, qui sous tend une explosion possible à tout moment de l’un des protagonistes. Channing Tatum ajoute un autre rôle intéressant à sa carrière et prouve qu’il a l’intelligence de vouloir la construire avec soin. Il devient l’objet manipulé d’un monstre froid.
Mais plutôt que de détailler de façon didactique la psychologie des personnages, Bennett Miller préfère des silences. Le climax du film est étouffant, baigné de silences pour mieux exacerber l’isolement progressif et la perte de repère du personnage de Channing Tatum.
Le film se fait oppressant et inquiétant, sans pour autant distiller de rebondissements classiques du thriller. Cette tension atypique, confrontée à une mise en scène d’apparence classique, donne une tonalité vraiment originale.
« Foxcatcher » parle de liberté et du prix qu’on est prêt à y mettre pour la sacrifier.
Une excellente expérience
N°15 – « Loin de la foule déchaînée » de Thomas Vinterberg
Revenu de 10 ans de manque d’inspiration criant, l’auteur du chef d’œuvre « Festen« , signe une troisième réussite d’affilée après les sombres mais très réussis « Submarino » et « La Chasse« .
Et lui qui nous avait habitué à du super sobre, on peut dire qu’il change radicalement de style, tout en conservant la grande pudeur qui caractérise sa mise en scène.
Thomas Vinterberg adapte donc le célèbre roman de Thomas Hardy, qui se déroule à l’époque victorienne, dans une campagne anglaise où une jeune héritière va se faire courtiser par trois hommes en même temps, trois hommes issus de milieux différents.
Le personnage est troublant car il est indépendant et d’un caractère déterminé dans un monde d’hommes, surtout pour gérer une grande ferme. Carey Mulligan est parfaite comme d’habitude, son physique fragile donnant d’autant plus de nuance et de trouble à son caractère indécis. C’est qu’en fait cette femme ne sait pas trop qui elle veut comme époux et si elle souhaite se marier. Elle est très en avance sur les mœurs et n’hésites pas à faire attendre ses prétendants, sans aucun jeu ou manipulation, juste parcequ’elle ne sait pas, et qu’elle déteste qu’on la force. Face à elle, les excellents Matthias Schoenaerts et Michael Sheen crèvent l’écran de leur désirs enfouis, de la solitude qui ravage leur âme, de leur patience et de leur chevalerie.
Le film est une grande tragédie classique et Thomas Vinterberg nous sort tous ses talents de mise en scène pour livrer de superbes scènes de campagne, aux couleurs nuancées selon les saisons. Le travail sur la lumière est admirable. La pudeur qui se dégage de ces histoires de personnages brisés ne sachant pas comment provoquer l’étincelle, fait de « Loin de la foule déchainée » un film hors du temps. Il aurait pu être réalisé il y a 20 ans comme dans dix. Mais il faut suffisamment d’esprit et de finesse de la psychologie des personnages pour les diriger avec un résultat aussi émouvant. Car oui, Vinterberg a beau être froid et aimer les situations déprimantes, il trouve toujours ce qu’il y a de beau dans l’humain pour donner une touche d’espoir à chacun de ses films.
Et lorsque il s’attaque à du romanesque, ceci donne un film d’une grande maitrise formelle et d’une émotion contenue mais vive à souhait. Un bel émoi flamboyant en sortant de la séance.
N°14- « Dheepan » de Jacques Audiard
On a beaucoup critiqué cette Palme d’or attribuée au plus grand cinéaste français actuel. On lui a reproché d’être réactionnaire par sa vision étriquée de la banlieue française, montrée à travers le seul prisme de gangsters ultra violents. Il est vrai que cette histoire de réfugiés politiques fuyant le Sri Lanka et se retrouvant dans un autreenfer peut surprendre, d’autant que la vision de l’intégration en Grande-Bretagne y est montrée de façon idyllique…
Mais ces reproches, si ils peuvent se comprendre en partie, ont tout de même un goût très politique et oublient deux éléments importants du choix de Jacques Audiard. Tout d’abord Audiard dévoile un film noir se situant dans un contexte bien particulier et n’a aucune ambition de dresser un portait complet des visages de la banlieue. Et ces critiques sont assez insultantes à l’égard de l’intelligence du spectateur et d’Audiard lui-même. Nous avons tout de même assez de recul pour resituer l’histoire. Cette image pourrait conforter des électeurs extrémistes dans leur vision apocalyptique du terrain banlieusard…peut être…après on ne peut pas toujours contrôler la connerie. Si ces derniers sont assez idiots pour résumer banlieue à chaos, et bien comment dire, pauvres d’eux mêmes !
Plus intéressante est l’actualité dans laquelle le film sort, en plein drame des réfugiés. Le hasard des calendriers est terrible et le film est intéressant parcequ’il montre ce qu’offre l’intégration à la française. La petite fille apprend grâce à l’école et s’intègre plus facilement que ses « faux » parents à qui on n’offre pas grand chose pour s’en sortir. Le film s’intéresse au repli identitaire, difficile à contourner lorsque la langue ne peut pas être maitrisée. Et puis surtout, en faisant débarquer en France une famille de toc de trois personnes ne se connaissant pas, Audiard ne choisit pas l’angélisme et donne corps à une histoire parfois bouleversante, de trois individus sans aucune racine, étrangers entre eux dans leur propre refuge, devant à la fois s’adapter à un pays et se découvrir entre eux.
Et puis Audiard prend la tangente et passe au thriller…le tout donne un résultat curieux, pas son meilleur film mais un très bon résultat tout de même.
Le film est parfois violent mais pourtant il se dégage de Dheepan quelquechose de plus doux que dans les autres films d’Audiard, amorcé dans « De Rouille et d’Os ». On assiste à la construction d’une relation amoureuse au fil d’un récit tantôt film social, tantôt film noir. Cette alternance fait du long métrage un objet fragile, souvent plus maladroit mais aussi plus aimable que de plus grands films d’Audiard.
N°13 – « Mission impossible : Rogue Nation » de Christopher McQuarrie
Tom Cruise gère sa franchise depuis 20 ans déjà avec une régularité de métronome, utilisant le retour à « Mission impossible » quand sa carrière flanche un peu, les films ayant tous plutôt bien fonctionné au box office. Mais là où son souhait d’avoir recours à de très bon réalisateurs était louable, l’expérience de Brian De Palma puis de John Woo ne fut pas des plus mémorables. Le matériau d’origine de la série Tv était bien trop éloigné et le caractère égocentré sur Tom Cruise avait quelque chose de gênant, malgré l’indéniable efficacité des scènes d’actions. Les deux volets suivants de JJ Abrams et Brad Bird intégraient de nouveaux seconds rôles avec Simon Pegg puis Jeremy Renner, Ving Rhames étant le seul rescapé du premier volet de De palma.
Et en voyant ce Rogue Nation, on se dit que c’est de qui manquait à la franchise, l’élèment clé de la série Tv, une équipe « Mission impossible », soudée et donc de l’affect là où il y en avait bien moins précédemment. Ceci humanise le personnage d’Ethan Hunt et en même temps le rend plus faible, dépendant de ses co-équipiers et moins omniprésent.
C’est ce qui différencie aussi la franchise d’un James Bond vers lequel les films lorgent de plus en plus, même si 007 a aussi quelques repères à travers Q, M et Moneypenny. Et c’est là le second grand compliment à faire à ce cinquième volet. Il n’a nullement à rougir des meilleurs James Bond, y compris du méga succès Skyfall il y a trois ans.
Le film présente davantage de scènes comiques que par le passé. Il se dote de deux éléments majeur à la réussite d’un film d’action, un méchant charismatique et qui n’est pas binaire à travers Sean Harris et une présence féminine qui ne soit pas un faire valoir potiche avec l’excellente Rebecca Ferguson. Cette dernière est l’égale de Hunt au féminin et bluffe nos agents à bien des reprises, donnant une touche inédite à la franchise.
Evidemment les scènes d’actions sont impressionnantes à bien des reprises, et Tom Cruise inspire le respect du fait des cascades qu’il assure seul dans la plupart des cas. Comme d’habitude me direz-vous…si ce n’est que Tom a 53 ans et que çà ne se voit pas, du tout. Les poursuites sont rudes, les combats bien virils et violents tout en restant réalistes. Ajoutez à cela un scénario de faux-semblants malins et vous serez forcément conquis.
La mise en scène de Christopher McQuarrie est fluide et ne tombe jamais dans une version clipesque et hystérique souvent vue en cas d’accumulation de scènes d’action. Le déroulé de l’histoire est limpide et laisse justement des scènes parlées faire respirer le long métrage entre deux morceaux de bravoure.
Bref, « Mission impossible » est une leçon d’équilibre entre action, scénario à rebondissements malins, personnages de caractères contrebalançant Tom Cruise, suspense permanent. Le retour aux codes de la série « Mission impossible » donne une identité renforcée au film par rapports aux nombreux autres films d’espionnage.
C’est un excellent divertissement et de très loin le meilleur opus des cinq films. Le respect du travail bien fait et donc du spectateur se ressent à tous les niveaux.
Ce n’est pas baclé, çà ne se repose pas sur ses lauriers et surtout, la franchise se remet en cause et c’est très très frais comme sentiment.
N°12 – « Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence » de Roy Andersson
A 72 ans, le suédois Roy Andersson, rare au cinéma, termine sa trilogie entamée avec « Chansons du deuxième étage » il y a 15 ans.
Et tout en respectant son style singulier inimitable, il remporta le lion d’or à Venise en septembre 2014 !
Andersson va comme à l’accoutumée nous présenter une série de saynètes, de tableaux dans lesquelles des personnages évoluent dans un plan à la fois fixe et plan séquence, souvent avec une mine blafarde atroce. La mise en scène est si particulière qu’elle devient un personnage du film et donne aux rebondissement une amplification comique bienvenue.
Car oui, Roy Andersson, c’est drôle, très drôle même. Son humour noir et son cynisme décortiquent les sentiments généraux qui traversent l’être humain mis dans certaines situations. Il les observe de loin comme dans un tableau de maitre et l’impression en sortant du film est d’avoir vu des tableaux vivants. A chaque scène, vous vous attachez au cadre et au décors dont le moindre détail est pensé. Certes le film peut paraître lent du fait du style même d’Andersson mais l’enchainement des scènes évite en général cet écueil. Ces dernières sont liées entre elle par deux personnages, vendeurs pathétiques de farces et attrapes.
Et puis le film s’assombrit peu à peu pour devenir cruel et sans concessions sur les limites de l’humanité et l’atrocité dans laquelle des hommes en groupe ou en castes peuvent tomber. Le pathétique, l’absurde côtoient ces vies sans panache, sans courage, sans objet et c’est jouissif car Roy Andersson ne les condamne pas, il les observe juste de façon détachée et distante. Le surréalisme vient même mélanger les époques pour mieux faire ressortir l’intemporalité de certaines sentiments humains.
Et puis surtout, Roy Andersson c’est un cinéma original, vraiment différent de tout ce que vous voyez, on est loin du film social, du film Marvel, du film de guerre, d’un genre quel qu’il soit puisque ce style n’existe que chez lui ! L’artiste risquant de ne plus tourner (il a réalisé 5 films dans toute sa carrière), vous seriez inspirés de tenter la visite de son musée décalé…
N°11 – « Vice Versa » de Pete Doctor
Cela fait de nombreuses années que Pixar ne nous émerveille plus, jouant sur des suites inférieures à leurs succès passés, si l’on met à part « Toy Story 3« .
Or tout ce qui a fait du studio un électron libre résidait dans l’originalité de ses scénari, l’inventivité créatrice de ces concepts et l’approche du public à la fois adulte et tournée vers les enfants, chacun y trouvant son compte. Cet universalisme bluffait bien souvent car il ne sacrifiait pas la qualité artistique du résultat à l’exigence de ses histoires, abordant des thèmes novateurs pour l’animation, et ne se contentant pas d’innover techniquement.
Alors forcément, « Vice Versa » fait du bien. L’idée fait penser à « Il était une fois la vie« , série animée des années 80, avec une touche bien personnelle. On va donc suivre les émotions d’une petite-fille, que sont Joie, Tristesse, Peur, Colère et Dégoût. Le début du film est très drôle comme au meilleur de Monstres et Compagnie avec ces personnages hauts en couleur et l’interaction de leurs fonctions stéréotypées avec les agissements de l’enfant. Mais tout le talent des magiciens de Pixar et de nous montrer l’évolution du personnage, de voir la petite fille grandir au grès des aventures de Joie et Tristesse, expliquant comment les sentiments vont se complexifier et interagir entre eux. Le long métrage regorge de très bonnes idées et de personnages attachants comme l’ami imaginaire.
Et puis comme souvent, Pete Doctor n’hésite pas à distiller de la mélancolie au milieu d’un film pour enfants voire même parler de dépression chez une gamine, sujet pour le coup jamais abordé dans un film d’animation. Sur cet aspect, « Vice Versa » frappe fort car expliquer la construction d’une identité et le mode opératoire de la sélection des souvenirs pour y arriver, relève d’un sacré défi ! Tout en restant ludique…
J’ai juste eu un petit sentiment de déception dû probablement à deux facteurs. Le premier réside dans les personnages et les situations plus enfantines que d’autres Pixar comme « Là Haut » ou « Wall E« …le second est lié à la longueur du périple de Joie et Tristesse dans le Cortex de l’enfant. En effet, les liens entre l’environnement de la petite fille et son intérieur sont peut être moins fréquents, laissant passer une baisse de rythme du film, qui avait débuté très fort. Cependant ce serait bouder son plaisir que de ne pas reconnaitre que « Vice Versa » est une belle réussite du studio, à voir sans hésitation car ils sont de retour et en grande forme ! Tant visuellement qu’en terme d’émotions mêlées, le film fait mouche à bien des égards dans ce récit initiatique de l’intérieur.
Et dans quelques jours, vous aurez la suite, à savoir les 10 premiers…
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