« Un 22 juillet » de Paul Greengrass – critique du Blanc Lapin
Réalisateur de la saga Jason Bourne, Paul Greengrass est aussi connu pour ses films témoins de faits réels comme Bloody Sunday, Vol 93, Capitaine Phillips.
C’est un très bon réalisateur, reconnu et le voir en compétition à Venise alors que son nouveau film est produit et diffusé uniquement via Netflix, est la première étape de la reconquête du géant du streaming sur le qualitatif niveau des longs métrages.
Ici avec « Un 22 juillet« , Greengrass s’intéresse à l’attaque terroriste en Norvège le 22 juillet 2011 lorsqu’un néo-nazi tua de sang froid 77 personnes et fit fait exploser une bombe artisanale placée dans une voiture à Oslo. Le massacre fut d’autant plus glaçant qu’il fut fait dans un camp d’été de jeunes.
Le film suit donc le drame et comment les victimes et la population a géré le traumatisme.
Le réalisateur choisit une mise en scène sobre, proche du documentaire, tout comme ses autres films suivant des destins ordinaires brisés où comment donner de l’impact par la forme à la violence aveugle qui frappe des gens qui n’ont rien demandé à personne. Cette forme lui permet également de garder une certaine pudeur, ce qui est évidemment le risque le plus fort sur ce type de film. Tomber dans le pathos et les larmes faciles peut être terrible alors qu’il est bien évidemment inutile d’en rajouter, l’effroi de la situation parlant de lui-même. A ce titre, la préparation millimétrée et sans aucun sentiment ou hésitation du tueur est flippante. De même, on le suit massacrant de façon mécanique et robotique, sidérés par l’absence totale d’humanité de l’individu. Greengrass ne s’attarde pas sur les corps et se fait témoin d’une scène atroce qui bien entendu irriguera tout le film.
Ensuite il s’intéresse à plusieurs personnages. Il suit le premier ministre et son absence de possibilité d’agir, le chaos étant derrière et l’anticipation impossible. Le film suit aussi des victimes dont un garçon qui a failli mourir et a été laissé pour mort et qui tente de recouvrer l’usage de ses membres. On suit avec lui la destruction d’une vie, d’un futur, le passage d’un jeune homme brillant et aimé de tous à un être qui a perdu un œil, qui vit dans le trauma et n’arrive pas à oublier car c’est impossible.
Le film dure probablement trop longtemps et parfois s’avère trop plat mais c’est aussi pour donner l’idée du long terme que le deuil doit suivre. Deuil de ses amis tués par un monstre et deuil de la vie qu’il devant lui. Le tueur est lui aussi suivi, afin de montrer la profondeur noire du personnage, son absence totale de folie ou de regrets. C’est important de montrer le mal et les idées fascistes dans tout leur premier degré. Le personnage n’a pas d’excuses particulières, c’est juste un individu d’extrême droite qui a fini par passer à l’acte, par mettre des actes en face des mots de haine et de rejet de l’autre qu’il ressassait depuis des années. Et puis il y a son avocat, un socialiste à l’opposé de ses idées mais qui va faire son travail malgré incompréhension du public car n’importe quel monstre a droit a une défense. Et c’est aussi en défendant cet homme, avec les mêmes droits, que la démocratie résiste et garde la tête haute.
« Un 22 juillet » évite donc le sensationnalisme au prix d’un allongement de son film et d’un nivellement de la mise en scène vers une sobriété parfois qui vire au téléfilm et amenuise l’identité au profit du témoignage. La pédagogie du discours sur la réponse la plus noble à donner à ces extrêmes est peut être un petit peu trop étalée et manque de concision, sacrifiant à l’efficacité du message.
La piste aux Lapins :
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