Jean-Louis Trintignant, l’élégance éternelle

Généalogie de Jean-Louis TRINTIGNANT - Geneastar

Jean-Louis Trintignant : malade d'un cancer, comment va-t-il ?remarque la navigation pin femme de jean louis trintignant Cracher  Identifiants ReconnaissanceJean-Louis Trintignant — Wikipédia

Ceci faisait de nombreuses années que Jean-Louis Trintignant disait qu’il souhaitait mourir, atteint d’un cancer qui évoluait très progressivement.

A 91 ans, cet immense acteur, l’un des plus grands acteurs européens de ces 50 dernières années, un monstre sacré un vrai, s’en est allé rejoindre sa fille Marie. Je ne reviendrai pas sur cette tragique disparition en 2003 de sa fille chérie qui était elle-aussi une magnifique actrice, portant la mélancolie sur son visage comme son père. Les deux avaient une classe phénoménale, une pudeur, une discrétion et un regard énigmatique.

Ces secrets supposés étaient la plupart du temps le reflet d’une extrême timidité et d’une grande humilité. On n’a jamais entendu Jean-Louis se gargariser de sa célébrité ou de sa carrière comme nombre de ses autres grands acteurs de sa génération ont pu le faire. Non, Jean-Louis était sobre, tout en retenue. Cette retenue qui lui a fait arrêter le cinéma à plusieurs reprises pour revenir de façon exceptionnelle à chaque fois.

J’avais une profonde admiration pour cet acteur à la subtilité de jeu toujours déconcertante, lorsqu’il fallait parfois tendre l’oreille du fait de son ton de voix et que d’un coup son talent vous enrobait d’un sourire de satisfaction d’avoir été encore une fois cueilli. Cette voix si particulière il a lu des poèmes au théâtre après la mort de son enfant chérie. Écoutez « L’ivresse des hauteurs » déclamée avec Arthur H, c’est très caractéristique de ce talent là aussi.

Moi Trintignant j’étais ému à chaque fois, il me fascinait par cette capacité à briller sans en faire des caisses, avec une précision d’orfèvre. C’était l’un de mes acteurs préférés, pour des raisons très éloignées des plus farfelus Jean-Rochefort, Jean-Pierre Marielle ou Claude Rich et de l’impressionnant Philippe Noiret.

Les nécros c’est toujours un peu chiant et c’est compliqué de résumer une vie d’un homme si secret et si multiple. Alors citons simplement ses grands rôles, que la jeune génération se doit de voir parceque c’est de la culture, et surtout une ouverture et un regard sur le monde que de connaitre ce pan de l’art cinématographique français.

Et Dieu créa la femme (Film) • Programme TV & Replay

Évidemment il y a « Et Dieu créa la femme » de  Roger Vadim, film qui fit scandale et propulsa Brigitte Baqrdot mais aussi Trintignant, qui vécu une histoire passionnelle avec la bombe absolue qu’était l’actrice.

Il fait ensuite deux ans de service militaire en Algérie, pendant la guerre, ce qui va le marquer profondément avant qu’il retrouve les plateaux pour Alain Cavalier avec « Le combat dans l’Ile » aux côtés de Romy Schneider. Il y joue un jeune militant d’extrême-droite manipulé et débute comme Michel Piccoli une carrière où il cherchera la difficulté et des rôles peu aimables pour mieux se mettre en danger. Il disait qu’il aimait souvent jouer des personnages à l’opposé de ses pensées, par pur intérêt de jeu. Il joue des seconds rôles dans Compartiment tueurs de Costa Gavras ou Pars brûle-t-il ? de René Clément.

Claude Chabrol l’embauche dans le très réussi Les Biches qu’il tourne avec sa compagne de l’époque, Stéphane Audran.

Le grand silence de Sergio Corbucci - Déjantés du ciné

En 1968 il tourne un western spaghetti, Le grand Silence de Sergio Corbucci, devenu culte car l’acteur y est muet, très particulier mais vraiment original.

Z de Costa-Gavras (1969), synopsis, casting, diffusions tv, photos,  videos...- Télé-LoisirsCONFORMISTE (LE) – RueDuCine | Notations et Avis de FilmsPhoto de Jean-Louis Trintignant - Le Fanfaron : Photo Dino Risi, Jean-Louis  Trintignant, Vittorio Gassman - AlloCiné

L’ambiguïté il la retrouve dans un autre chef d’oeuvre dans sa carrière, le Z de Costa Gavras, pour lequel il repart avec le prix d’interprétation masculine. Son juge froid et méthodique impressionne la croisette. Il joue un jeune fasciste en 1935 en mission en France pour assassiner un professeur de philosophie pour un autre chef d’oeuvre, « Le conformiste » de Bernardo Bertolucci. Et il aligne un autre bijou aux côtés de Vittorio Gassman, pour Le Fanfaron de Dino Risi, un sommet du cinéma italien où il joue un étudiant en droit timide et complexé pris en main par un méditerranéen très volubile et  charmeur.

EN IMAGES. "Un homme et une femme" : 50 ans d'amour, trois films, Cannes  rend hommage à Claude LelouchMa nuit chez Maud : Ma vie chez Rohmer - Critique - Le Quotidien du Cinéma

En 1966, Un homme et une femme de Claude Lelouch remporte la palme d’Or et propulse sa notoriété car le film cartonne au box-office. Il tourne Ma nuit chez Maud d’Eric Rohmer, autre classique mais film exigeant puis retrouve Romy pour « Le mouton enragé » de Michel Deville, très bon.

L’attentat d’Yves Boisset lui permet de renouer avec le film politique très en vogue à cette époque et d’ajouter un nouveau bijou à son CV.

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En 1973 il tourne avec Romy Schneider dans Le train de Pierre-Granier Deferre qui suit la fuite en 1940 de français face à l’arrivée des nazis. Très très bon film.

Le désert des Tartares de Valério Zurlini en 1976, lui permet de rejoindre un casting de fou avec Jacques Perrin, Vittorio Gassman, Philippe Noiret, Francisco Rabal, Fernando Rey, Laurent Terzieff ou Max von Sydow.

L’argent des autres de Christian de Challonges parle d’un scandale bancaire avec Michel Serrault et Claude Brasseur.

En 1980 il retrouve Ettore Scola pour un chef d’oeuvre, La Terrasse où Marcello Mastroianni, Ugo Tognazzi, Vittorio Gassman lui donnent la réplique et jouent des intellectuels de gauche amers et désabusés.

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Il tourne pour François Truffaut dans Vivement dimanche ! où il joue un agent immobilier soupçonné de meurtre aux cotés de Fanny Ardant. Jaques Deray lui fait jouer un flic aux côtés d’Alain Delon dans le réussi Flic Story et Francis Grirod un président de la république inspiré de Miterrand dans Le bon plaisir.

Dans les années 80, il est déjà un acteur culte et va tourner pour André Téchnié (Rendez-vous), Régis Wargnier (La Femme de ma vie), Pierre Granier-Deferre (L’Homme aux yeux d’argent) ou même le premier film du dessinateur Enki Bilal, Bunker Palace Hotel.

Document sans nomFiesta - film 1995 - AlloCiné

En 1992, la verve saillante de Trintignant fait des miracles face à Jean-Pierre Marielle et Jean Carmet dans l’excellent La controverse de Valladolid de Jean-Daniel Verhaeghe, qui fictionne en 1550 la décision de l’Eglise de reconnaitre que les peuples d’Amérique conquis et massacrés par les Espagnols et les Portugais avaient bien une âme.

Dans Fiesta il joue un militaire homosexuel franquiste effrayant, un film qu’on a hélas oublié et qui moi m’a grandement marqué.

https://i.la-croix.com/729x486/smart/2017/08/07/1200868122/Mathieu-Kassovitz-Jean-Louis-Trintignant-Regarde-hommes-tomber_0.jpgPhoto de Jean-Louis Trintignant - Trois couleurs - Rouge : Photo Jean-Louis  Trintignant, Krzysztof Kieslowski - AlloCiné

En 1994, il est prodigieux dans le premier film de Jacques Audiard, Regarde les hommes tomber, aux côtés de Mathieu Kassovitz et Jean Yanne. Chef d’oeuvre également et fascination pour cet acteur insaisissable.

Trois couleurs – Rouge de Kieslowski le fait monter au panthéon des plus grands acteurs français, la critique l’encense à juste titre.

Il est tout aussi excellent dans  Ceux qui m’aiment prendront le train de Patrice Chéreau, où il joue deux rôles de deux frères que tout oppose dont l’un vient de mourir. Un prestation crépusculaire très marquante.

Amour, film de Michael Haneke - main tenant

Mais Jean-Louis Trintignant, alors qu’on le croyait retiré des plateaux depuis 20 ans et trop meurtri par la perte de Marie, reviendra nous éblouir et recevoir une palme spéciale pour son rôle dans « Amour » de Michael Haneke, un film rude et sans concession sur la fin de vie mais là aussi un nouveau chef d’oeuvre où sa présence irradie le film. Il rejouera pour le réalisateur autrichien en 2017 dans Happy End, film moins réussi mais qui vaut le détour.

Enfin il conclue sa carrière avec une vraie suite d’Un homme et une femme et retrouve Claude Lelouch en 2019 pour Les plus belles années d’une vie, un film émouvant où Lelouch abandonne une part de ses tics insupportables pour filmer Anouk Aimée et Jean-Louis avec délicatesse, comme si la fragilité du corps de l’acteur diminué lui imposait de se calmer sur ses envols lyriques. Et le résultat est beau.

Voilà, une carrière avec peut-être des films pas tous connus du grand public et encore moins des personnes nées après 1980 mais ce n’est pas une raison pour ne pas faire l’effort de les découvrir et se rendre compte à quel point Jean-Louis Trintignant était un immense et bel acteur, qui irradiait chacune de ses prestations. Sa mort ne me rend pas triste car il était très malade et part à 91 ans…mais une chose est sure, son élégance est éternelle et sa voix restera toujours une immense source de félicité cinématographique à chaque fois que je reverrai un film avec lui. Merci Monsieur Trintignant pour votre humilité et votre rigueur, merci.

Jean-Louis Trintignant: la mort de sa fille Marie l'a "complètement détruit"

 

 

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