Les meilleurs films du Blanc Lapin 2022 : N°37 à 15
Comme tous les ans depuis 13 ans, voici le classement des meilleurs films du blanc lapin.
Sur 115 films vus au cinéma ou sortis sur les plateformes en 2022, cette année a été particulièrement riche avec une forte présence du cinéma français, en mal dans les entées en salles mais en très grande forme du point de vue de la production. Le cinéma français est de retour avec de nouveaux talents chez les auteurs et les interprètes.
J’ai sélectionné 40 films qui ont atteint au minimum les 4 blancs lapins sur 5, ce qui signifie que ces 40 films sont très réussis à mes yeux.
16 de ces 40 films sont français ! De grands auteurs internationaux ont livré de très belles œuvres dans ce classement à l’image de Guillermo del Toro avec deux réussites, James Gray, Paul Thomas Anderson, Baz Luhrmann, Park Chan Wook, Joel Coen, David Lowery, James Cameron, Henri Selick.
Voici donc la première partie du classement du N°37 à 15 sachant qu’il y a des ex aequo.
N°37- »The stranger » de Thomas M. Wright
Disponible sur Netflix
Deux inconnus se rencontrent. L’un va entraîner l’autre dans une vaste et puissante organisation criminelle, lui offrant ainsi la possibilité de se racheter après un passé violent et de prendre un nouveau départ.
Noir c’est noir avec ce thriller aux allures déroutantes et à la thématique somme toute très originale.
Comment s’infiltrer auprès d’un potentiel assassin d’enfant, monstre froid ou original solitaire ?
L’excellent Joel Edgerton joue un flic qui joue aux criminels et tente de percer à jour un suspect de meurtre interprété par l’impeccable Sean Harris, glaçant. Se noue alors une relation amicale assez particulière et virile dans la forme même si le flic joue un rôle. Les frontières entre les personnages se confondent dans la noirceur profonde de laissés pour compte au sein d’une Australie vide d’habitants.
On les voit trainer de ville en ville avec très peu d’interlocuteurs, des immensités géographiques, une musique perturbante un rythme à la fois lent et créant une montée en puissance vers la découverte de la réalité de l’affaire.
Le film rappelle Animal Kingdom et l’abysse du mal dans lequel le flic regarde à travers le regard froid et sans affect de son interlocuteur, qui n’a aucun futur et une identité passée extrêmement floue. On s’attend à tout moment à une montée d’adrénaline et d’hyper violence alors qu’au final le film joue à fond sur un climax pesant et particulièrement réussi.
« The stranger »est un film dérangeant qui montre un personnage inscrutable qu’on ne sait être un monstre sans morale ou juste un paumé sans famille et sans amis qui fait figure de coupable idéal.
Mais c’est vraiment la mise en scène spectrale qui emporte l’adhésion pour cette très grande et surprenante réussite.
La piste aux Lapins :
N°36- »L’origine du mal » de Sébastien Marnier »
Dans une luxueuse villa en bord de mer, une jeune femme modeste retrouve une étrange famille : un père inconnu et très riche, son épouse fantasque, sa fille, une femme d’affaires ambitieuse, une ado rebelle ainsi qu’une inquiétante servante.
Après son excellent « L’heure de la sortie » avec Laurent Lafitte sorti en 2019, et qui mélangeait habilement thriller, fantastique et et film écolo, Sébastien Marnier avec un nouveau film également très surprenant. L’affiche dit qu’on est entre Chabrol et De Palma et pour le coup c’est tout à fait cela.
Le réalisateur y installe un climat malsain d’une famille de riches industriels qui se détestent dans une villa luxueuse, Rocabella, que j’ai eu la chance de visiter et qui se prête admirablement a déroulé de l’intrigue.
D’abord on est hyper content de retrouver l’immense et imposant Jacques Weber au cinéma, lui qui a toujours choisi les planches mais qui a une prestance incroyable. Il est parfait dans le rôle de ce père indigne, manipulateur mais affaibli par l’âge dont on ne sait ce qui est vrai ou faux. D’ailleurs le réalisateur joue des faux semblants tout au long du film avec son casting 4 étoiles, de Dominique Blanc qui se régale en menthe religieuse qui cache de profondes blessures, à Doria Tillier en fille d’une dureté et d’une violence dont ne sait si c’est juste du mépris de classe sociale ou de quels secrets elle est détentrice. Chaque personnage est à la fois dépendant de celui qui détient l’argent et avide de s’en débarrasser mais on ne comprend pas comment et pourquoi.
Et au milieu de ce petit jeu de cruautés bien affutées se balade l’innocente héroïne, toujours impeccable Laure Calamy, qui elle aussi va permettre au long métrage d’atteindre un excellent niveau quand le réalisateur décide de nous révéler son effet de manche pour bien booster le final.
« L’origine du mal » est très réussi car il surprend et que si il est sombre, il est surtout très prenant, son déroulé et la capacité du scénariste-réalisateur à nous balader avec efficacité, forcent le respect.
La piste aux Lapins :
N°35- »Le sixième enfant » de Léopold Legrand
Franck, ferrailleur, et Meriem ont cinq enfants, un sixième en route, et de sérieux problèmes d’argent. Julien et Anna sont avocats et n’arrivent pas à avoir d’enfant. C’est l’histoire d’un impensable arrangement.
Le quatuor formé par les excellents Sara Giraudeau, Benjamin Lavernhe, Judith Chemla et Damien Bonnard est d’une justesse incroyable et vous emporte dès les premières scènes dans ce film d’une très grande finesse.
C’est en ce moment un peu à la mode d’avoir des films qui parlent du désir d’enfant et de femmes qui ne peuvent pas en avoir. Mais l’aborder sous cet angle, un peu comme dans « Aux champs », la nouvelle de Maupassant, est particulièrement judicieux.
Car le réalisateur Léopold Legrand va à la fois confronter deux classes sociales mais aussi y apporter de grandes nuances. Si les pauvres qui vivent en roulote sont croyants et contraints par leur incapacité à élever un sixième enfant, leur description est loin d’être caricaturale et leurs questions existentielles confrontées à leur croyance religieuse, à leur sens de la famille et de la fratrie sont très bien transcrits grâce à ses deux super acteurs, Judith Chemla et Damien Bonnard. Avec eux plutôt que face à eux, car justement le réalisateur ne les confronte pas, un couple d’avocats qui marche bien, qui n’est pas richissime mais qui s’en sort très bien et a un avenir financier assuré si bien entendu ils arrivent à bosser autant dans leur secteur respectif.
Benjamin Lavernhe est parfait en homme de droit qui au delà de la morale, ne veut pas s’engouffrer dans une sortie de route et un inconnu qu’il ne maitrise pas.
Sara Giraudeau est quant à elle pafaite de bout en bout dans ce rôle de femme qui décide de transgresser de façon aveugle pour arriver à son but quite à tout risquer.
C’est un premier film très réussi car d’une sensibilité qui ne fait aucun faux pas et ne tombe jamais dans la facilité, ce qui avec un tel thème pouvait arriver facilement. On parle de filiation et d’abandon en même temps et c’est ce qui rend le film très marquant.
Sobre mais poignant, intelligent et sensible, « Le sixième enfant » est une excellente surprise de cette année 2022.
La piste aux Lapins :
N°34- »The Menu » de Mark Mylod
Un couple se rend sur une île isolée pour dîner dans un des restaurants les plus en vogue du moment, en compagnie d’autres invités triés sur le volet. Le savoureux menu concocté par le chef va leur réserver des surprises aussi étonnantes que radicales…
Le showrunner de l’excellente série « Succession » se met donc à la mise en scène pour cette satyre de la haute gastronomie, de ses codes mais pas uniquement.
En faisant virer l’expérience culinaire à l’horreur d’un chef fou dangereux et vengeur, Mark Mylod va trainer du même côté que la récente palme d’Or « Sans filtre » en se moquant d’une classe sociale qui méprise les faiseurs et déverse son argent avec snobisme pour gouter des plats qui ne veulent au final plus rien dire et qu’ils ne comprennent pas.
L’esthétisation perchée de cette grande gastronomie, amplifiée et démocratisée par les grandes émissions télévisuelles de cuisine prend quelques bon coups de couteaux dans cette farce portée par un excellent Ralph Fiennes, épaulé de deux très bons acteurs, Anya Taylor-Joy et Nicholas Hoult, parfait dans un rôle surprenant.
Le film va de rebondissements en rebondissements et surprend toujours car on s’attend à du sang souvent là où il n’y en n’a pas forcément ou pas comme on le croit, le réalisateur jouant des codes du film d’horreur pour rire du cynisme des hôtes et de leur punition un peu trop forte pour les péchés qu’ils ont fait.
Un très bon divertissement, original dans son propos.
La piste aux lapins :
N°33- »Icare » de Carlo Vogele
A voir en Vod – sorti en mars 2022
Sur l’île de Crète, chaque recoin est un terrain de jeu pour Icare, le fils du grand inventeur Dédale. Lors d’une exploration près du palais de Cnossos, le petit garçon fait une étrange découverte : un enfant à tête de taureau y est enfermé sur l’ordre du roi Minos. En secret de son père, Icare va pourtant se lier d’amitié avec le jeune minotaure nommé Astérion. Mais le destin bascule quand ce dernier est emmené dans un labyrinthe. Icare pourra-t-il sauver son ami et changer le cours d’une histoire écrite par les dieux ?
Excellente surprise que cette production européenne qui reprend le mythe d’Icare et du Minautore en y apportant une vraie touche de modernité et de poésie.
Les dessins sont magnifiques et l’animation n’a rien à envier aux mastodontes américains. Surtout, le dessin est très typé et orignal.
Ajoutez à ceci une histoire certes ultra connue mais pas des petits et que se laisse regarder par les grands et vous trouverez une petite pépite d’animaton à découvrir de toute urgence.
L’idée d’agrémenter le tout de musique de Vivaldi est plutôt bien vue
La mélancolie qui se dégage du personnage d’Icare et de son ami le minotaure, cette complicité simple et naturelle donne au film une dimension très touchante.
La violence du récit mythologique reste présente mais laisse curieusement la place à des accents d’une grande douceur qui font naitre l’émotion.
La piste aux Lapins :
N°32- »Wendell And Wild » d’Henry Selick
Léo et Rémi, 13 ans, sont amis depuis toujours. Jusqu’à ce qu’un événement impensable les sépare. Léo se rapproche alors de Sophie, la mère de Rémi, pour essayer de comprendre…
Le réalisateur trentenaire de Girl revient donc cette année et a raflé le Grand Prix du festival de Cannes 2022 après avoir été le chouchou de la croisette pour la Palme d’Or et ému les festivaliers.
Il est vrai que son histoire est bouleversante et tout en retenue, vue du regard d’un enfant qui grandit et perd une amitié fusionnelle, en voulant bien se faire voir des autres enfants et mieux s’intégrer au monde des grands. E n s’attaquant à ce sujet, le réalisateur s’offre à la fois une introspection très originale de l’enfance et de l’impact du regard des autres au moment de l’adolescence mais il ne va pas toujours jusqu’au bout. C’est ce qui rend à la fois son film très réussi car jamais dans l’emphase et un peu frustrant car laissant le spectateur s’imaginer le pourquoi de l’acte terrible qui va déformer sa vie à jamais.
On ne saura jamais vraiment et le réalisateur nous laisse douter. Ceci a agacé certaines critiques qui auraient voulu absolument sexualiser le propos par rapport à une identité sexuelle alors que justement, ce non choix de monter des sentiments clairs pour les deux protagonistes rend CLOSE assez particulier. Certains seront impatients de voir le sujet éclore et être différé, ce que je peux comprendre et ce qui pour moi empêche le film d’atteindre un sommet plus haut.
Léa Drucker et Emilie Dequenne sont parfaites et évidemment mention spéciale aux deux jeunes acteurs, Eden Dambrine et Gustav De Waele.
Les silences, les regards rendent le film subtil mais peuvent agacer aussi en montrant une mise en scène trop réfléchie, et pas si fine que cela. Bien que partagé sur certains aspects, cette histoire de culpabilité tragique et impardonnable qui ne peut pas s’effacer et fauche une jeune vie m’a tout de même suffisamment ému pour vous le recommander. Je comprend simplement que l’œuvre divise.
La piste aux Lapins :
Le pitch : Vincent Peltier, paisible employé aux « Eaux et forêts » à Limoges, est incité à démissionner à cause d’une révision des effectifs, ce qu’il souhaite le moins du monde. Une inspectrice trop zélée décide de le muter dans les pires endroits au monde pour le pousser à renoncer. Elle l’envoie donc au Groënland pour protéger les chercheurs d’une base scientifique des attaques d’ours.
Je ne m’étais jamais intéressé à Jérôme Commandeur avant par curiosité et face aux excellents retours de ses derniers spectacles, de tenter de voir son dernier one man show sur Amazon Prime.
Et j’étais mort de rire du début à la fin avec ce talent très particulier qu’a Commandeur de jouer sur sa bouille ronde mais malicieuse pour envoyer des skuds pas politiquement corrects du tout.
Ma curiosité a donc été éveillée en apprenant qu’il avait gagné le prix du meilleur film au festival de l’Alpe d’Huez. Et soyons clairs, sa comédie est très réussie en jouant des clichés du fonctionnaire avec férocité mais sans tomber dans un humour de droite sans nuances, même si Christian Clavier y tiens un rôle de cheminot vraiment féroce.
Gérard Darmon est hilarant à chaque apparition et Commandeur est aussi drôle que sur scène, alternant vannes toutes les 3 minutes maximum et évitant de tomber dans une niaiserie propre à beaucoup de comédies françaises dès lors qu’on sort de la zone de gags.
Jérôme Commandeur a du respect pour son public et a donc signé un vrai scénario avec une vraie histoire tout en nous amenant dans des paysages dépaysants et hostiles histoire de bien martyriser son personnage.
L’humour est vache mais tendre envers les fonctionnaires qui certes se font défoncer mais avec énormément de carricature au 10ème degré, ce qui permet de comprendre assez vite que ce n’est pas une charge mais plus un clin d’œil aux énormes clichés en les alignant tous les uns après les autres.
La qualité d’écriture et l’humour grinçant allié à une mise en scène rythmée, équilibrée sur un film court en longueur font de cet Irréductible une très bonne surprise.
La piste aux Lapins :
N°29- »Coupez ! » de Michel Hazanavicius
Michel Hazanavicius a toujours aimé les cncepts, du détournement des OO7 avec Oss117 à The Artist et son hommage au muet, sa filmographie déborde d’un amour les genres de cinéma et pour la fabrication de ce dernier, avec tout ce qu’elle a de factice assumé.
En adaptant un petit film japonais où un tournage de film de zombies est perturbé par des zombies, il s’essaie à un film méta hyper casse gueule. La première demi heure est un long plan séquence en forme de film Z fauché avec des effets spéciaux tous pourris et une histoire pas terrible. On se prend à avoir peur car malgré quelques sourires on se dit que çà risque d’être long.
Puis Hazanavicius raconte l’avant et la préparation avec un film plus construit et plus drôle puis dans une 3ème partie de vrai tournage avec l’envers du décors et la prouesse technique de la première demi heure « en direct ».
Et là le film devient hilarant et les deux premières parties trouvent leur entière justification.
Ce procédé n’a rien de révolutionnaire mais il est non seulement original et rend un superbe hommage aux techniciens de petits films fauchés qui se démerdent avec trois fois rien pour créer de la magie.
Et raconter de façon aussi comique les dessous de la fabrique est une excellente idée donnant un très bon film, surprenant.
Romain Duris, Bérénice Bejo et Finnegan Oldfield sont excellents de bouten bout.
Une très bonne surprise.
La piste aux Lapins :
N°28- »A plein temps » de Eric Gravel
Julie se démène seule pour élever ses deux enfants à la campagne et garder son travail dans un palace parisien. Quand elle obtient enfin un entretien pour un poste correspondant à ses aspirations, une grève générale éclate, paralysant les transports. C’est tout le fragile équilibre de Julie qui vacille. Elle va alors se lancer dans une course effrénée, au risque de sombrer.
Laure Calamy est véritablement impressionnante de nuance dans ce film social construit comme un quasi thriller, avec suspens et montée de tension au fur et à mesure que les emmerdes et les problèmes sans solutions évidente qui se dressent sur sa route.
En mère courage qui tente de joindre les deux bouts et d’élever seule ses enfants tout en travaillant hyper loin de chez elle, Laure Calamy trouve son meilleur rôle, pour lequel elle mériterait un autre César.
Eric Gravel a l’intelligence de ne jamais pointer du doigt les grévistes qui bloquent le pays et les transports et précipitent cette femme dans la détresse et la misère sociale par l’effet indirect de leur action. On ne peut pas dire qu’il leur fait franchement de la pub mais en ne portant aucun jugement et ne faisant que constater l’impact sur les plus pauvres, les travailleurs pauvres qui dépendent des transports en commun, le réalisateur parle d’une France dont on parle finalement assez peu. On voit les salariés qui luttent en entreprise contre des plans sociaux, qui manifestent contre telle ou telle loi mais on voit rarement ces invisibles qui font de petits boulot et n’ont pas d’autre choix que de vivre en dehors des grandes agglomérations où ils travaillent et pour lesquelles ils n’ont pas de véhicule pour s’y rendre car c’est trop cher. Ces victimes indirectes d’une autre franche de la population qui défend ses droits sans s’interroger sur les effets induits, prise en sandwich entre des travailleurs du public et des patrons pour lesquels ce n’est pas le sujet puisqu’il ont d’autres candidats interchangeables pour les remplacer.
Et puis le réalisateur parle du déclassement social avec cette femme qui a fait des études longues, a exercé un travail de cadre sup et par un accident de la vie, un divorce et de l’alcoolisme (on ne sait pas dans quel ordre) a vu tout se dérober sous ses pieds. Et les mauvaises nouvelles s’accumulent mais elle résiste et tient.
Cette course contre la montre qui donne le rythme au film est une idée excellente car elle tient en haleine de bout en bout et nous immerge immédiatement dans ce quotidien cauchemardesque.
Le film social qui a eu ses heures de gloire dans les années 90 et 2000 en Angleterre avec Stephen Frears, Mike Leigh ou Ken Loach, et en Belgique avec les frères Dardenne, est en train de devenir un genre de très haute facture en France.
L’image de cette société bruyante, stressante, axée sur l’immédiateté et le productivisme sans aucune compréhension pour les évènements exogènes, est réellement flippante.
Un film féministe de par le combat qu’il montre de tant de femmes célibataires avec enfants qui doivent gérer l’impossible.
La réussite vient surtout de l’absence de démonstration morale, de discours plombant en filmant juste des faits qui s’empilent et l’enlisement qui s’en suit.
Et pourtant le film reste lumineux grâce à son actrice, qui joue une femme qui garde espoir et se bat et ne lâche pas. Un très bon film.
La piste aux Lapins :
N°27- »Avatar, la voie de l’eau » de James Cameron
Avatar la voie de l’eau est une réussite de par ses effets spéciaux vraiment bluffants et une mise en scène de haut niveau de James Cameron.
On retrouve tout le luxe de détails qui faisait la force du 1er volet avec un monde crédible qu’on va explorer davantage, dans les fonds marins.
C’est souvent de toute beauté et plutôt poétique, antimilitariste et anti colonisateurs comme le prédécesseur d’il y a 12 ans.
Et puis Cameron véhicule des messages écologiques et animalistes avec lesquels on aurait du mal à ne pas adhérer.
C’est peut être là la limite du film. Il est trop bienveillant, trop lisse dans ses messages pour acquérir le charme qui en ferait un excellent film. Évidemment les effets spéciaux sont au service d’une histoire efficace, bien menée, avec des scènes d’action hyper bien réalisées, des personnages secondaires plutôt bien écrits et une grande aventure. Et puis surtout on arrive à plonger dans ce film avec des géants bleus et trouver cela crédible pendant 3 heures!
Mais pour moi il manque un petit quelque chose, une poésie qui s’associerait à une sorte d’artisanat, de carton pate qui la est totalement lessivé par le digital. Ca manque de chien. Bon c’est sur y a plein de bébêtes colorées mais il manque quelque chose car à trop vouloir en mettre plein la vue à l’écran, à trop mâcher le travail de nos cerveaux en déversant ce contenu sencé nous faire nous évader, on oublie la suggestion.
Et parfois de pas montrer et laisser imaginer ceci laisse un effet bien plus fort et personnel, Avatar 2 est donc plus réussi que le 1er mais ce n’est pas ma came. Je préfère la roulotte du Parnassus de Gilliam, bourrée d’imperfections et de trop plein d’idées à cette histoire très lisse et très peu surprenante. C’est très bien fait, c’est un travail sincère et honnête mais voila, le supplément d’âme n’a pas encore réussi à être recréé avec la technologie…
La piste aux Lapins :
N°26 ex aequo- « Glass Onion : une histoire à couteaux tirés » de Rian Johnson
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N°26 ex aequo- »Tout le monde aime Jeanne » de Céline Devaux
Tout le monde a toujours aimé Jeanne. Aujourd’hui, elle se déteste. Surendettée, elle doit se rendre à Lisbonne et mettre en vente l’appartement de sa mère disparue un an auparavant. À l’aéroport elle tombe sur Jean, un ancien camarade de lycée fantasque et quelque peu envahissant.
Blanche Gardin, Laurent Lafitte et Maxence Tual forment un trio absolument charmant et iconoclaste dans cette surprise de la rentrée, à la fois tendre et très drôle qui aurait pu virer au film anecdotique.
Il faut dire que le rôle est écrit pour Blanche Gardin en mode dépressive désabusée qui gère ou plutôt ne gère pas ce qui lui arrive. Le concept de départ de la raison de sa dépression est à la fois très drôle (l’échec d’un prototype d’appareil écologique assez lunaire) et relevant de l’intime avec le suicide d’une mère froide et pas tendre du tout.
Et c’est un peu le ton général du film qui oscille entre cynisme et humour un peu perché voire rêveur.
Laurent Lafitte trouve un de ses plus beaux rôles dans cet homme cassé aussi par la vie qui choisit l’humour et la désinvolture pour survivre et surnager.
La plupart de ses interventions sont vraiment très drôles. Et enfin l’idée de la réalisatrice d’ajouter un frère tout aussi gentil et perché interprété par Maxence Tual, est excellente car elle donne un contrechamp au duo d’acteurs principaux et de très beaux moment tendres et légers.
Son autre concept qui est d’avoir dessiné un personnage représentant ce que pèse et ressent Jeanne est hyper casse gueule. A la vue de la bande-annonce j’avais très peur du résultat de ces dessins-animés alternant les scènes et dessinés par la réalisatrice elle-même, Céline Devaux.
Et bien au final çà prend même si j’aurais préféré un peu moins d’incartades mais en général ces évasions sont drôles et enlevées ou au contraire apportent du relief au personnage de Jeanne en exprimant la tristesse ou le manque qu’elle ressent. C’est donc bien vu.
Le film est une très belle réussite, drôle et tendre avec des personnages hyper attachants.
C’est assez rare dans le cinéma français pour mériter de le relever ! Un film qui a une vraie identité, une fantaisie et une belle originalité.
La piste aux Lapins :
N°25- »The Green Knight » de David Lowery
Sortie le 3 janvier sur Amazon Prime
David Lowery est l’un des réalisateur que je suis de très près car j’ai adoré « Les amants du Texas » et « A ghost Story » ou « The Old Man and The Gun », qui a marqué le dernier film de l’immense Robert Redford comme acteur.
« The Green Knight » est une adaptation d’un conte anglais où Sir Gauvain, chevalier de la table ronde, relève un défi que lui lance Le Chevalier Vert. Le curieux chevalier demande à ce qu’on le décapite. Contre cet « essai », il aura le droit lui aussi de tenter de décapiter le candidat un an plus tard. Sir Gauvain accepte et quitte son royaume un an après pour rejoindre Le Chevalier Vert.
Dev Patel incarne le rôle principal aux côtés de Alicia Vikander, Sean Harris et Joel Edgerton.
Disons le d’entrée, le film n’est pas facile d’accès en raison de choix radicaux du metteur en scène. D’abord il n’explique pas par un luxe de dialogues descriptifs qui est qui. On devine que le roi est Arthur par exemple et jamais son nom n’est prononcé. David Lowery invite donc le spectateur à se concentrer pour comprendre ce qui est très bien explicité mais pas présenté en énormes lettres.
Ensuite le réalisateur opte pour une certaine lenteur qui va rebuter une bonne partie du public et le laisser sur le côté. On aime « The Green Knight » ou on le trouve chiant à mourir. C’est ce genre de film qui demande l’effort de s’immerger pour aimer.
Mais lorsque l’on fait cet effort, le résultat est très très bon.
Les images de Lowery et les effets spéciaux sont sublimes et sa vision de la légende arthurienne la plus novatrice et originale depuis Excalibur.
La lenteur est en fait là pour créer une situation quasi hypnotique par rapport aux somptueux décors et mettre en relief cet homme qui veut se créer une image, une histoire alors qu »il est lâche et couard et n’a son titre que parcequ’il est le neveu d’une légende.
Et tout le film va traiter de cette parabole d’un homme médiocre qui souhaite s’acheter une conduite pour mériter de siéger à la table ronde, au milieu de ces vieux chevaliers tous aussi célèbres les uns que les autres. Sauf qu’on est dans la fin d’un monde. Les exploits des chevaliers est derrière, loin derrière et David Lowery se moque en partie de notre société de l’image et du storytelling personnel d’instagrameur en adaptant cette sous histoire des légendes arthurienne. Il en tire d’ailleurs une morale à double fond excellente à la fin.
Le personnage n’a pas tellement de morale, il négocie son aide et n’a rien de chevaleresque, y compris avec la prostituée qui l’aime. Les épreuves qu’il traverse prennent tout leur sens dès lors qu’on comprend dès le début qui est ce personnage.
On va donc croiser des bandits, un fantôme, un renard qui parle, des géants dans une scène fascinante ou un château irréel perdu au milieu des bois.
Le film est donc extrêmement réussi et exigeant mais il est loin des codes d’Hollywood d’aujourd’hui et prend son temps pour atteindre un impact bien plus fort qu’un simple film de capes et d’épées. Là où aujourd’hui le divertissement est roi et l’action est indispensable pour remplir le vide scénaristique, ici le réalisateur assume qu’il n’y a pas 15 000 actions à la seconde et qu’il va falloir prendre le temps de réfléchir au parcours du personnage. La magie opère alors avec force à tel point que si vous aimez, vous repenserez au film pendant plusieurs jours tellement il est marquant et original.
On voit rarement un tel acte nihiliste dans un film, porté avec autant de recul sur le temps qui passe, la mort et les enjeux d’une vie réussie. Un film visuellement somptueux et philosophiquement profond.
C’est très rare, d’autant plus dans ce style de film tourné sur l’imaginaire et le conte.
La piste aux Lapins :
N°24- »The Tragedy of MacBeth » de Joel Coen
Joel Coen réalise son premier film véritablement en solo sans son frère Ethan Coen.
Joel a certes été crédité seul sur certains de leurs chefs d’œuvre mais ils se partageaient en réalité les postes de scénariste et réalisateur sur chaque projet. Et c’est Shakespeare qui va les séparer le temps d’un seul film espérons le.
Joel Coen adapte donc MacBeth avec Denzel Washington et Frances McDormand.
Orson Welles, Roman Polanski et Justin Kurzel ont tous adapté la pièce, les deux premiers avec brio, le dernier de façon plus contrastée.Mais c’est sans doute Le château de l’Araignée d’Akira Kurosawa qui demeure la meilleure adaptation de la pièce.
Frances McDormand a joué très jeune du théâtre et adore Shakespeare. Or elle est la femme de Joel Cohen depuis 35 ans…On lui doit des rôles fabuleux chez les Coen dans Sang pour sang, Arizona Junior, Miller’s Crossing, Fargo (Oscar de la meilleure actrice), The Barber, Burn After Reading. Elle a aussi été excellente chez d’autres dans Mississippi Burning, Short Cuts de Robert Altman, Lone Star de John Sayles, Presque célèbre de Cameron Crowe, This Must Be the Place de Paolo Sorrentino, Moonrise Kingdom de Wes Anderson, et Three Billboards : Les Panneaux de la vengeance de Martin McDonagh, qui lui vaudra son second oscar de meilleure actrice et Nomadland de Chloé Zao qui vient de lui permettre de remporter un 3ème Oscar.
Une fois encore elle est au diapason et Denzel Washington, qui est un bon acteur à la carrière franchement pas terrible, trouve enfin un rôle à la hauteur de son talent.
Joel Coen choisit l’abstraction plutôt que des scènes de bataille grandiloquentes et ramasse son film sur 1h45 pour éviter tout temps mort.
Alors certes c’est en noir et blanc mais d’une beauté sublime qui fait penser à The Barber, l’autre film que Joel a réalisé seul.
Le dispositif est volontairement minimaliste avec des décors superbes rappelant rappelant l’origine théâtrale. Mais cet écrin permet au texte de William Shakespeare d’être déclamé dans son entièreté et la puissance qu’on lui connait. Ce choix accentue le cauchemar limite surréaliste dans lequel les protagonistes se sont enfermés et jetés par pure vanité et ambition.
Macbeth illustre ce venin qui rend les hommes fous de pouvoirs quitte à renier tous leurs principes, à commettre l’irréparable et à descendre moralement aux enfers sous le poids de la culpabilité d’avoir mal agi ou la paranoïa qu’un autre tout aussi avide de pouvoir vole la couronne une fois installé.
Le réalisateur culte, le maitre Coen livre un excellent opus, loin de ce qu’on pouvait attendre de lui, un hommage à l’expressionnisme allemand assez fascinant.
Le jeu d’acteurs est sublimé par sa mise en scène et ses effets sombres. Car il joue de ce noir et blanc et de ces décors irréalistes pour assoir la noirceur de plus en plus grande qui envahit les personnages. Le seul bémol est l’absence de grain de folie qui caractérise pourtant tant de film des frères Coen. Ici le sujet traitant de folie aussi, le réalisateur préfère rester d’une grande sobriété, ce qui peut rebuter certains alors qu’un souffle d’originalité sur la mise en scène aurait rendu le résultat plus grand public. Après les Coen utilisent la folie et l’absurde par l’humour, ce qui ne se prête pas du tout à la pièce de Shakespeare. C’est peut être cette peur de sonner faux qui a incité Joel Coen à jouer la prudence. Le résultat est donc très bon mais il manque un je ne sais quoi pour qu’il atteigne une marche plus haute.
La piste aux lapins :
N°23- »Couleurs de l’incendie » de Clovis Cornillac
Février 1927. Après le décès de Marcel Péricourt, sa fille, Madeleine, doit prendre la tête de l’empire financier dont elle est l’héritière. Mais elle a un fils, Paul, qui d’un geste inattendu et tragique va la placer sur le chemin de la ruine et du déclassement. Face à l’adversité des hommes, à la corruption de son milieu et à l’ambition de son entourage, Madeleine devra mettre tout en œuvre pour survivre et reconstruire sa vie. Tâche d’autant plus difficile dans une France qui observe, impuissante, les premières couleurs de l’incendie qui va ravager l’Europe.
Cette suite de « Au revoir là-haut » peut se voir sans avoir visionné le film d’Albert Dupontel. Bien sûr, Clovis Cornillac n’a pas le talent et la folie de mise en scène d’Albert mais son film est très réussi. Tout simplement parcequ’il utilise avec beaucoup d’intelligence le second livre de la trilogie des Enfants du désastre de Pierre Lemaitre. La fresque qu’il nous propose est limpide en terme de déroulé tout en restant foisonnante de détails et rebondissements.
Le livre est tellement bon qu’en en tirant un bon scénario et avec une mise en scène classique et d’excellents acteurs, Cornillac nous livre un très bon film en costumes, grand public de qualité. On y parle d’après guerre période années 30 et du glissement insidieux d’une partie de la bourgeoisie vers la catastrophe qui se structure déjà du côté allemand. Le film est même féministe à sa façon et relativement jouissant par son déroulé.
Les personnages de Léa Drucker et Clovis Cornillac sont des vengeurs de bande-dessinée qui donnent au film un air frais et drôle au milieu d’un désespoir et d’une noirceur de l’âme humaine peu réjouissantes. Mais la bande qu’ils forment, un peu comme celle d’Au revoir là-haut donne du peps et des moments très cinématographiques face de sombres personnages interprétés avec délice par Benoît Poelvoorde,Olivier Gourmet ou Jérémy Lopez.
Les décors sont au rendez-vous et vous immergent dans une histoire au rythme qui ne vous lâche pas du début à la fin et rappelle ce talent incroyable de Pierre Lemaitre pour croquer des personnages à fort impact dans un contexte historique ultra documenté.
Fanny Ardant est fabuleuse dans son rôle ambigu à souhait entre ange gardien et monstre effarant.
Du grand spectacle ambitieux et de l’action de qualité aux services d’un scenario malin et d’acteurs au top, franchement ce serait dommage de rater « Couleurs de l’incendie« , en espérant que « Miroir de nos peines« , le 3ème volume, fasse également l’objet d’une adaptation.
La piste aux Lapins :
N°22- »The Batman » de Matt Reeves
Robert Pattinson s’est efforcé après la série de films Twilight, mauvaise mais bankable de construire une filmographie exigeante chez David Cronenberg (Cosmopolis, Map to the stars), chez l’excellent David Michôd dans le non moins excellent »The Rover« , dans le « Life » d’Anton Corbijn, « The Lost City of Z » de James Gray ou le plutôt réussi « Good Time » ou l’excellent « High life » de Claire Denis. Sa filmographie est donc exigeante et commence à avoir une sacrée gueule.
Il est le nouveau Batman et il est très bon, immédiatement crédible. Il faut dire que les scénaristes ont eu deux excellentes idées à propos du personnage. La première a été de lui donner un côté nihiliste de mec reclu et névrosé, vengeur la nuit mais qui n’a pas une très haute opinion de l’âme humaine, avec Nirvana en fond sonore pour bien appuyer l’idéologie du personnage. La seconde est de l’avoir ancré dans la fin de sa deuxième année d’activité. Il fait donc de nombreuses erreurs et se plante parfois, il est plus humain que les précédentes itérations du cape crusader.
Enfin la troisième idée géniale est de donner un ton ultra réaliste comme l’avait fait Christopher Nolan mais sous un angle totalement nouveau. Là où Nolan étant imbibé du monde terroriste et des dangers post 11 septembre avec des méchants tous dans cette optique de destruction, Matt Reeves choisit une autre voie réaliste.
Fort de ses succès sur les deux derniers films « La planète des singes » ou de Cloverfield, le réalisateur utilise son talent de mise en scène indéniable et la noirceur du propos pour nous livrer un vrai film d’enquête sur un tueur en série, façon Zodiac.
Le Riddler joué par Paul Dano (There will be blood et Little Miss Sunshine), est effrayant à souhait à l’opposé du cabotinage insupportable de Jim Carrey dans le très mauvais film de Shummacher. Là le personnage est réellement effrayant et sa folie n’a d’égale que la perversité de son jeu de pistes. L’ossature du film s’articule donc autour d’un film très référencé au travail de David Fincher sur Seven et Zodiac et il y a pire comme comparaison.
Le résultat est le film Batman le plus sombre, à mille lieues du cartoon gothique de Tim Burton, du Batman SF de Zack Snyder ou du Batman rédempteur de Christopher Nolan.
Avoir choisi de rajeunir le personnage sans expliquer son origin story et le meurtre des parents déjà vu et revu est une très très bonne idée. Elle permet à Jeffrey Wright de rentrer dans la peau du célèbre commissaire Gordon sans se coltiner tout l’explicatif du rapport avec Batman.
Andy Serkis joue un Alfred bien plus paternel et proche de Bruce Wayne et donne lieu à l’une des plus émouvantes scènes du film.
Zoë Kravitz (Mad Max, Les animaux fantastiques) fait l’exploit en Catwoman, de faire oublier la prestation de Michelle Pfeiffer dans Batman le Défi ! Car comme son personnage est plus et mieux écrit, plus sombre aussi et moins cartoonesque, on ne peut pas les comparer. Mais sa partition est très réussie.
Colin Farrell a très peu de temps à l’écran en Pingouin, antagoniste culte auquel Danny DeVito avait donné ses lettres de noblesse mais il marque le film pas seulement parcequ’il est méconnaissable mais parceque lui-aussi n’est pas au sommet de sa carrière de criminel, qu’on verra dans une série HBO Max où il reprendra son rôle.
John Turturro complète ce casting très intelligemment constitué, en mafieux Carmine Falcone et apporte comme d’habitude son immense talent pour jouer la duplicité et la violence du personnage.
Matt Reeves impose donc le respect en se réappropriant une icône pour laquelle de très bonnes adaptations ont déjà été produites (ce qui n’est pas le cas de tous les super héros). Mais il le fait à contre courant de ses illustres prédécesseurs en mixant la cultissime Bd « Batman year One« , le film noir de gangters et les références fincheriennes sans oublier l’action et sans oublier l’émotion, bien plus présente que dans les autres films.
Les acteurs sont tous au diapason et on sent le travail d’orfèvre bien fait et très respectueux du public pour livrer un film différent.
Faire du neuf avec des personnages aussi célèbres et tellement de fois adaptés était le grand enjeu du film, base d’une nouvelle trilogie probablement. C’est un pari tenu de bout en bout. Respect total.
La piste aux Lapins :
N°21- »Vesper Chronicles » de Kristina Buozyte, Bruno Samper
Le pitch Dans le futur, les écosystèmes se sont effondrés. Parmi les survivants, quelques privilégiés se sont retranchés dans des citadelles coupées du monde, tandis que les autres tentent de subsister dans une nature devenue hostile à l’homme.
Onn’a vraiment pas vu venir ce film de science-fiction européen tourné en lithuanie avec des moyens modestes et qui s’avère une excellente surprise de cette été 2022.
Non seulement le film est original de par son univers immédiatement crédible mais il traite d’écologie avec beaucoup d’intelligence.
Le premier sentiment est d’être devant un film ultra maitrisé, aux effets spéciaux dosés pour être impactants et rendre cette faune sauvage dénaturée par l’homme aussi dangereuse que surprenante et parfois poétique.
On s’imagine très bien l’homme être assez con pour en arriver là.
Évidemment « Vesper Chronicles« utilise des ressorts connus de la SF autour de riches humains s’étant protégés du chaos et traitant les autres en vassaux mais plutôt que d’aller dans l’affrontement, le film préfère raconter un quotidien et y insérer du suspens et de l’aventure avec de très nombreuses surprises de scénario.
Le méchant n’est pas caricatural, il est ambivalent à chaque instant.
Kristina Buozyte et Bruno Samper ont su distiller du merveilleux dans un film post apocalyptique mélancolique et vraiment novateur.
L’univers riche du film, qui fourmille de bonnes idées fait de ce film un des musts à voir cette année !
La piste aux lapins :
N°20- »Les Nuits de Mashhad » de Ali Abbasi
Le pitch : Iran 2001, une journaliste de Téhéran plonge dans les faubourgs les plus mal famés de la ville sainte de Mashhad pour enquêter sur une série de féminicides. Elle va s’apercevoir rapidement que les autorités locales ne sont pas pressées de voir l’affaire résolue. Ces crimes seraient l’œuvre d’un seul homme, qui prétend purifier la ville de ses péchés, en s’attaquant la nuit aux prostituées.
Danois d’origine iranienne, Ali Abbasi signe un petit chef d’oeuvre en racontant un fait divers qui s’est passé lorsqu’il était adolescent en Iran.
La brutalité du film tient au fait qu’il suit en parallèle le serial killer et la femme journaliste qui enquête sur les meurtres.
On voit le meurtrier dans son quotidien et la folie qui le gangrène par fanatisme religieux autant que par trouble mental. Mais Ali Abbasi nous fait froid das le dos quand la population se met à soutenir le serial killer et justifier ses aces au nom du Coran. Là le fil bascule dans un puits sans fond où plus rien ne rattache à la morale.
Pour donner de l’ampleur et contre point dans ce polar sombre, le réalisateur utilise une journaliste féministe, en opposition avec le pouvoir en place et rebelle systématiquement jusqu’à la limite. Elle enquête à ses risques et périls dans un monde machiste où la femme n’a aucun droit et où on trouve normal et sain de « nettoyer » la ville de ses prostituées qui font honte au prophète et qui ne valent rien. Leur vie n’ayant pas de valeur, on peut donc les massacrer impunément voire porter aux nues en héros le tueur en série. C’est à la fois affligeant et choquant mais terriblement bien amené.
Car Zar Amir Ebrahimi, prix d’interprétation à Cannes cette année pour ce rôle, est non seulement brillante dans son jeu mais son personnage est confronté à la puissance masculine dans toute l’oppression qu’on peut facilement imaginer sans barrière et totalement décomplexée.
Et par petites touches, apparait l’hypocrisie du régime et de ses codes. Les représentants du régime font bonne figure devant les journalistes mais leur état moral est tout aussi abimé que celui du tueur ou de la population qui le comprends et le porte aux nues.
La dénonciation de la violence envers les femmes ne pouvait pas trouver écho plus impactant que « Les Nuits de Mashhad » , film absolument urgent à voir tant pour son propos que sa mise en scène sobre et efficace et le jeu d’acteurs irréprochable.
N°19- »Decision to leave » de Park Chan Wook
Sorti le 11 mai 2022
Son Nitram s’intéresse à la tuerie de Port-Arthur en Tasmanie, en 1996. Le film a marqué Cannes 2021 et son jeune acteur, Caleb Landry Jones est reparti avec le prix d’interprétation !
Alors a priori, çà peut vous rebuter de vous colleter un film de 1h50 sur une tuerie de masse. Et très honnêtement, je ne me suis pas précipité en salles pour le voir car le thème me déprimait grave, alors qu’il en faut pour me déranger. Juste que le côté glauque du pitch ne m’ »incitait pas. L’erreur est réparée fort heureusement car Nitram est excellent et se regarde très facilement.
La raison est simple. Justin Kurzel s’intéresse sur 10 minutes à la tuerie et sur 1h40 à comment le personnage en est arrivé là. Il nous raconte l’histoire vraie d’un trentenaire australien ayant de gros soucis psychologiques et dès lors du mal à s’intégrer, sans amis, vivant chez papa maman morts d’inquiétude et étant incapable de réprimer ses crises d’hystérie à la limite de la folie.
Le film est à la fois perturbant car il ne quitte jamais son anti héros de vue et il ne juge pas, il fait juste des constats. Ce paumé puceau qui n’a pas eu droit à une vie normale de par son handicap est au final enfermé en lui-même et on comprend les ruptures de vie qui psychologiquement vont l’amener à perdre le peu de raison et d’affect qu’il a pour commettre un crime horrible.
Caleb Landry Jones est en effet remarquable de bout en bout et mérite amplement son prix d’interprétation cannois. Son Nitram est flippant car incontrôlable et peut partir en vrille à tout moment mais malgré cet affect très particulier, on arrive non à s’identifier mais à comprendre le milieu social dans lequel il évolue, milieu pauvre, l’injustice qu’il subit et qui va déclencher l’acte, l’histoire d’amour folle qu’il va vivre et qui là aussi va se rompre d’un coup.
L’histoire est assez incroyable quand on pense que c’est une histoire vraie et le rebondissement qui y est liée, qui est horrible puisqu’il aboutit à la tuerie, est juste hallucinant.
On comprend pourquoi le réalisateur s’est attaché à raconter cette histoire qui rend le film à la fois perché, triste et d’un déterminisme absolu puisqu’on connait la fin dès le début.
Un film assez bouleversant car le personnage est enfermé de par son psychisme dans une vie à part alors qu’il voudrait être normal et c’est ce qui va l’amener à tuer ce qu’il ne peut pas être. Glaçant et fascinant à la fois.
N°17- »Le Lycéen » de Christophe Honoré
Lucas a 17 ans quand soudain son adolescence vole en éclats. Avec l’aide de son frère, monté à Paris, et de sa mère, avec qui il vit désormais seul, il va devoir lutter pour apprendre à espérer et aimer de nouveau.
Je n’aime pas tous les films de Christophe Honoré. Son côté très libertin me gave parfois et ses pauses de cinéastes très en admiration devant la nouvelle vague peuvent m’agacer. Et puis des fois c’est excellent comme » Les chansons d’amour » ou « Plaire, aimer et courir vite« .
Avec « Le Lycéen« , on est plutôt dans cette catégorie où le réalisateur provoque moins et s’intéresse davantage à ce que ressent le personnage et son entourage qu’à ce qu’il ressent en dessous de la ceinture. Le réalisateur nous parle de deuil, en hommage à son père disparu et transpose l’histoire avec une mère jouée par l’excellent Juliette Binoche, le grand frère joué avec un décalage triste par Vincent Lacoste et le héros donc, ce jeune de 17 ans joué par la révélation du film, Paul Kircher.
On y voit donc un gamin qui a reçu un uppercut en pleine face et ne sait pas comment réagir. Il est homosexuel assumé et se dit qu’il va profiter à fond de son séjour sur Paris chez son frère, pour avoir des expériences. Sauf que ce qu’il cherche est bien sur ailleurs. Il cherche des repères, à la veille de rentrer dans la vie adulte.
Christophe Honoré nous parle de ce que c’est que la profonde tristesse, inconsolable et il le fait avec plus de retenue, plus de noirceur aussi que dans d’autres de ses longs métrages.
Les personnages sont tous immédiatement attachants et crédibles et vont ensemble parvenir à surmonter l’épreuve de la perte du père aimé. L’émotion n’est jamais forcée, elle vient très naturellement et donne au film une puissance sur certains moments forts, qui sentent le vécu du metteur en scène.
Paul Kircher refera parler de lui assurément. Avec sa voix d’Orelsan, qui traine en mode désinvolte, son personnage est provocateur bien que fluet et prêt à se briser à tout moment. Son aspect naïf et pédant en même temps le rendent très attachant, d’autant plus lorsqu’il sombre.
Christophe Honoré signe un film délicat, romanesque, mélancolique mais qui regarde vers la lumière.
Un très bel hommage à l’adolescent qu’il a été et à la cellule familiale comme bateau de sauvetage.
La piste aux Lapins :
N°16- »Freaks out » de Gabriele Mainetti
Rome, 1943, sous occupation nazie, la Ville éternelle accueille le cirque où travaillent Matilde, Cencio, Fulvio et Mario comme phénomènes de foire. Les quatre « Freaks » vont tenter de survivre dans un monde en guerre…
Gabriele Mainetti revient 5 ans après son premier film « On l’appelle Jeeg Robot » qui avait déjà titillé la critique. Le réalisateur italien est le digne héritier d’un cinéma qui a finalement très peu de représentants à savoir le cinéma onirique, le cinéma de l’imaginaire. Et comme je suis particulièrement fan de ce genre de films lorsqu’ils sont réussis, j’étais la cible idéale.
Alors entendons nous, le film a des défauts. d’abord son personnage principal est un peu niaise et pas très travaillée. Ensuite sa ligue de super héros aurait mérité une meilleure écriture et la fin est un peu trop longue de 10 à 20 minutes même si on ne n’ennuie à aucun moment.
Une fois qu’on a dit cela, force est de constater qu’outre son inspiration forte d’Inglorious Basterds de Quentin Tarantino, le réalisateur emprunte à de très grands maitres du fantastique que sont Jean-Pierre Jeunet, Guillermo del Toro et mon chouchou des chouchou, Terry Gilliam.
Et ceci fait sacrément plaisir de voir autant d’idées se déverser sur l’écran pour provoquer l’imagination du spectateur et créer un monde très différent des Harry Potter ultra formatés. Le résultat visuel est très beau et certaines idées de mise en scène sont vraiment excellentes.
Un nouvel héritier de Georges Meliès est donc né. Un nouveau réalisateur de ce genre si rare et je ne peux qu’en être ravi.
Outre ces défauts cités plus hauts j’ai carrément pris mon pied tant le film est beau, enlevé, avec un vrai méchant qui a du relief, ce qui est fondamental pour réussir ce type de film. L’idée de ce cirque nazi est tout simplement brillante de folie et d’horreur mêlées.
Freaks out rend évidemment aussi hommage au Freaks de Todd Browning mais contrairement à une certaine presse ayant trouvé trop de citations, je ne suis pas d’accord. Gabriele Mainetti a son propre style, certes inspiré des auteurs vus plus hauts voir de Bong Joon Ho ou Kim Jee Woon les maitres coréens du film d’aventures fantastique. En effet, il insère beaucoup d’humour et de second degré, permettant de pallier peut-être à la moindre écriture des personnages.
Mais vu le résultat assez bluffant, qu’est ce que çà serait si il avait un excellent scénariste à ses cotés ?
Nul doute qu’Hollywood va se jeter sur lui. Espérons qu’il résiste comme tonton Terry et impose sa vision sans se faire broyer par le système.
Son Freaks out a du cœur et un amour du cinéma qui crève l’écran.
Souhaitons lui une brillante carrière et de nombreux films pour nous faire rêve, de l’autre côté de l’écran, perchés avec le blanc lapin ))
La piste aux Lapins :
La suite du classement avec les 15 premiers films du blanc lapin 2022 d’ici peu…
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