En cette année 2021 exceptionnelle pour le cinéma, la plus riche des 12 années de blog du blanc lapin de par l’embouteillage des sorties cinés et de très nombreux films qui auraient du sortir sur deux ans, vous constaterez en tête du classement que j’ai un peu triché en mettant beaucoup de monde sur le podium.
Mais très honnêtement les films en question sont impartageables et ne pas les faire figurer juste parceque 2021 est une double année cinéma, aurait été injuste tant ils sont brillants chacun à leur manière.
Une année marquée par un cinéma français dans une forme incroyable (17 des 38 films que j’ai sélectionnés à plus de 4 lapins sur cinq) avec beaucoup de nouveaux talents et la naissance d’un cinéma de genre « à la française » (3 films français de genre fantastique dans la sélection).
Vous noterez aussi un cinéma iranien au sommet avec trois longs métrages dans la liste.
Le cinéma se renouvelle par de nouveaux talents puisque 15 des 38 films sont d’auteurs n’ayant jamais figuré dans mes classements les 11 fois précédentes !
Donc sur 125 films sortis et vus cette année 2021, voici donc la suite du classement des meilleurs films du Blanc Lapin pour 2021 après la première partie ici (classement de N°32 à N°15)
N°15 – « Le discours » de Laurent Tirard
Laurent Tirard avait surpris en 2018 avec le très bon Le Retour du Héros, comédie très enlevée avec Jean Dujardin et Mélanie Laurent, usant de stratagèmes théâtraux de portes qui claques avec des dialogues et un jeu d’acteurs de très bon niveau. Il faut dire que le réalisateur du Petit Nicolas ou Astérix et Obélix au Service de sa Majesté, n’était pas franchement connu pour être un artiste disruptif. Force est de constater qu’en adaptant au cinéma le livre du dessinateur de BD Fabcaro, le réalisateur a trouvé le matériau idéal pour poursuivre la démarche de son précédent film.
On y suit Adrien, attablé à un repas de famille, famille qu’il connait sur le bout des doigts et qui l’exaspère, alors qu’il attend un sms de sa copine, enfin sa peut être futur ex copine avec qui il est en pause, contre son grès.
Et alors que le repas s’éternise, son beau frère lui demande de faire un discours pour son mariage avec sa sœur. L’angoisse totale car quoi dire à part des banalités, surtout pour un mec timide et réservé.
L’une des grandes réussites du film est sa mise en scène hyper bien rythmée qui joue à fond la théâtralité en revenant toujours à l’unité de lieu de cette salle à manger familiale tout en rentrant dans la tête du héros pour des flashsbacks ou des illustrations vraiment drôles. Dès le début le coté théâtral est hyper assumé avec la présentation des acteurs et du metteur en scène par l’acteur principal, debout sur scène, tordant le cou à une habitude bien ancrée de présentation des équipes au début de chaque film depuis que le cinéma existe.
Les trouvailles et astuces visuelles sont vraiment réussies. Le fait de faire des arrêts sur image avec le héros face caméra qui exprime ses sentiments et ressentis tandis que sa famille est immobile comme sur pause, aurait pu virer au gadget fatiguant et vite lassant. C’est tout l’inverse, puisque le procédé donne du rythme à un scénario qui va chercher par ci par là des moments de vie.
Et le second tour de force de cette comédie est d’être drôle, très drôle, or c’est hyper rare de tomber sur un film intelligemment écrit, avec un scénario ne tombant pas dans le pathos lorsque les messages sont profonds et simples et arrivant à déclencher l’hilarité, oui ! L’hilarité ! Balaise !
Le film a ce coté universel en parlant des petits moments chiants du quotidien et de l’agacement des petits défauts de son conjoint, de ses frères et sœurs et parents. On y voit l’absence d’écoute des un et des autres et l’isolement lié aux habitudes, où chacun raconte sa propre histoire sans toujours parler de l’essentiel parceque c’est rassurant et plus confortable.
L’histoire est tout simplement bien écrite, avec finesse.
Évidemment, ce qui fait que le film décolle c’est son casting. Sara Giraudeau est émouvante et craquante. Kyan Khojandi, Julia Piaton, François Morel et Guilaine Londez sont excellents.
Mais la star, la star qui nait devant nos yeux c’est Benjamin Lavernhe, évidemment !
Bien que sociétaire de la comédie française, il a été découvert du grand public dans Le sens de la fête où il interprétait face à Jean-Pierre Bacri un marié exécrable mais tellement drôle. Puis il enchainait un super second rôle de meilleur copain de François Civil dans Mon inconnue. Et enfin vous l’avez peut-être vu en amant veule dans Antoinette dans les Cévennes l’an dernier.
Benjamin Lavernhe décroche ici son premier premier rôle dans un film suffisamment grand public pour qu’il se fasse un nom. Et sa carrière ne fait que commencer.
A 37 ans, il me fait penser à des acteurs comme Philippe Noiret, Jean Rochefort, Jean Pierre Marielle, Jean Pierre Bacri…des acteurs qui ont explosé sur le tard car ils n’étaient ni des jeunes premiers ni des monsieur tout le monde. Leur visage ou leur dégaine les rendaient atypiques et leur phrasé ou leur façon de jouer les rendait identifiables tant dans la comédie que dans le drame, avec toujours une sensibilité qui renversait le spectateur. Benjamin Lavernhe est exactement de cette veine là d’acteurs. Dans Le Discours, il alterne les émotions avec grâce et humour et porte le film sur ses épaules avec un talent évident. Je suis très content pour lui du succès probable du film et de la réussite artistique du long métrage. Il lui fallait un accélérateur de carrière ciné pour le plus grand bonheur des spectateurs (encore une fois en tant que sociétaire, il a du taf à vie). J’ai hâte de le voir déployer son talent dans plein d’autres rôles divers et variés. Rien que pour lui, le film vaut le coup d’être vu.
Le discours est très réussi et subtil, ce qui est rare sur de la comédie, genre complexe à tenir de bout en bout en équilibre.
La piste aux Lapins :
N°14 – « Matrix Resurrections » de Lana Wachowski
Il est toujours casse gueule de reprendre une franchise presque 20 ans après. Pourtant Lana Wachowski a décidé de le faire sans sa sœur et sur un des hits de SF les plus emblématiques des années 2000, à l’époque où elles étaient frères.
Autant j’avais beaucoup aimé Matrix pour son côté révolutionnaire en termes d’effets spéciaux autant les deux suites m’avaient gonflées car je e comprenait rien à l’histoire qui se perdait dans des circonvolutions inutiles.
« Matrix Resurrections » a d’abord l’humour de se moquer de la propre saga Matrix mais aussi sur le fait de faire des suites et des reboots à Hollywood dans des scènes particulièrement drôles et surprenantes au début du film. On commence donc par un film méta qui regarde dans son propre miroir et la raison de faire une suite avec un humour qui faisait particulièrement défaut aux prédécesseurs.
Et là on comprend que Lana Wachowski ne revient pas pour le fric, pas du tout. Elle revient avec l’envie de réer de la nostalgie chez le spectateur tout en le ramenant dans la matrice via des scènes brillamment réalisées. Évidemment vous n’aurez pas l’effet de surprise et elle le sait et axe donc une bonne partie de l’histoire sur des dialogues, des climax, des jeux de dupes distrayant et intelligents. Elle fait évidemment du fan service en raccrochant tous les wagons et en expliquant les liens mais c’est léger et surtout, le film est terriblement fun, comme le premier du nom, et c’est le plus bel hommage qu’elle pouvait apporter.
Les nouveaux personnages introduits sont très bien écrits et utiles à l’histoire. On s’y attache, mention particulière à Buggs (rapport aux bugs et à Buggs Bunny.
Au delà de la virtuosité de la mise en scène que la réalisatrice n’a pas perdu, on est pris d’émotion par le retour de Carrie Anne-Moss et Keenu Reeves, excellents de classe et d’autodérision.
Le plus fascinant dans « Matrix Resurrections » est cette capacité à divertir tout en faisant réfléchir le spectateur sur la notion d’abrutissement par l’écran, les séries et tout le show produit aujourd’hui et qui au final rend le spectateur gavé de productions nouvelles comme les humains sont nourris par les machines pou qu’elles survivent elles-mêmes. Et sans cesse le film utilise des concepts de réalité qu’il introduit dans sans histoire pour les dénoncer à qui saura les déchiffrer, tel un code et tel que le font les personnages. C’est malin voir brillant dans un blockbuster. Ceci va jusque dans le fait de rire du « déjà vu » via un chat appelé ainsi, en montrant des images des précédents films et en montrant que la réalisatrice n’est pas dupe et ne prend pas ses spectateurs pour des idiots, bien au contraire.
C’est d’ailleurs tout l’amour et le respect de la réalisatrice pour son matériau et ses fans qui transpire au visionnage de ce film que je n’attendais pas aussi réussi et mature.
Moi qui ne suis pas particulièrement fan aveuglé des trois films précédents, j’ai tout compris car la réalisatrice prend soin de résumer, expliquer et virer tout ce qui était nébuleux dans les histoires précédentes. Inutile donc de revoir les trois films, vous comprendrez très aisément.
Et puis le film est émouvant en plus d’être drôle, ce que je n’avais pas ressenti avec les trois précédents films.
Le film est déconcertant, complexe sans être inaccessible, spectaculaire tout en ayant un charme fou. Une très grande réussite.
La piste aux Lapins :
N°13 – « Un Héros » de Asghar Farhadi
Pitch : Rahim est en prison à cause d’une dette qu’il n’a pas pu rembourser. Lors d’une permission de deux jours, il tente de convaincre son créancier de retirer sa plainte contre le versement d’une partie de la somme. Mais les choses ne se passent pas comme prévu…
Le plus célèbre des cinéastes iraniens revient et clôture une année cinéma 2021 marquée par trois grands films iraniens, La loi de Téhéran, Le diable n’existe pas et donc « Un Héros« .
Car avec cette histoire à la thématique surprenante et vraiment original, le maitre iranien, Asghar Farhadi, revient à son meilleur niveau avec un film qui fait penser à l’un de ses chef d’œuvre, Une séparation.
Asghar Farhadi commence d’abord par nous décrire une histoire qui se passe très bien autour d’un personnage naïf mais solaire, à qui la chance semble sourire. On a le sourire aux lèvres devant toutes ces portes qui s’ouvrent, un peu interloqué par l’attitude des geôliers avant de comprendre le poids de l’image et le fait qu’ils utilisent son acte héroïque pour faire oublier leur mauvaise image. Car et c’est là ce qui est très surprenant, l’Iran vit aussi au rythme des réseaux sociaux, de l’immédiateté, du qu’en diras t on ? qui dépend de l’image renvoyée à la société. Ce n’est que dans la seconde partie, lorsque l’histoire s’emballe dans le mauvais sens et que le personnage s’enfonce dans ses mensonges, que l’on comprend l’envers du décors, la face sombre de cet étalage public et de ses conséquences. Au final on n’est pas très loin d’un schéma occidental sauf qu’il est passionnant de le voir appliqué à la société civile iranienne. On voit les gens vivre, se déchirer, se soutenir. On voit le rôle d’associations qui aident les condamnés à mort ou les victimes d’injustices et surendettements. L’auscultation de cet Iran de 2020 est en soit fascinante.
Mais le réalisateur créé une tension, une angoisse qui monte et étouffe le personnage avec le brio qu’on lui connaissait dans ses meilleurs opus. La mécanique kafkaïenne est terrible d’autant qu’on voit les rouages se gripper et l’histoire partir à conte sens, incapables d’agir et ayant envie de crier à cet individu gentil et naïf qu’il fait les mauvais choix.
L’idée de faire mentir un personnage aussi solaire et sympathique, juste par la facilité qu’il pense avoir à simplifier les problèmes, est géniale. Car si au début on se dit que ces mensonges ne portent pas à conséquences, le scénario nous les renvoie en pleine figure. Et le plus intéressant est que le réalisateur ne porte pas de jugement moral sauf sur la police manipulatrice et manquant de décence.
« Un Héros » est un thriller captivant de bout en bout et magistralement mis en scène et interprété.
La piste aux Lapins :
N°12 – « La terre des hommes » de Naël Marandin
Le cinéma français est en très très grande forme. Après les superbes films de genre « Teddy« , « La Nuée« , le magnifique comte « Gagarine« , pour ceux qui ont accroché la Palme d’Or Titane, le tour de force de mise en scène « Annette« , l’excellent polard « Bac Nord« , voici un nouveau grand film.
Sur le papier l’histoire de « La terre des hommes« a tout du sujet ultra casse gueule.
C’est un peu #MeToo rencontre le drame paysan et donc forcément, mélanger deux thèmes sociétaux parmi les plus médiatisés de ces dernières années aurait pu franchement vriller putassier et facile.
Il n’en n’est rien grâce d’une part à une réalisation au cordeau, qui sait alterner caméra qui suit de dos l’héroïne, la prend en plan super serré lorsqu’elle est perdue, sait s’échapper pour filmer la campagne et l’angoisse, l’isolement qui peut se dégager de certains paysages.
Bien sûr, Naël Marandin filme l’emprise avec un Jalil Lespert en prédateur sans scrupules qui piège sa victime par son pouvoir et surtout sa manipulation. Les cadres sont physiquement étouffants. Et c’est en partie la force du film, que de ne pas tomber dans une histoire de viol évidente mais dans un viol perpétré par un prédateur qui met le doute, lui insère dans la tête tout le poids de la culpabilité. La scène est d’ailleurs très importante car elle montre sur quoi le prédateur va se défendre et surtout le fait qu’il est lui-même convaincu d’avoir recueilli un consentement. Cette nuance et ce double regard de l’un et de l’autre est sacrément gonflé mais donne une force, une puissance au propos.
Diane Rouxel est prodigieuse dans ce rôle et mériterait un César pour cette prestation intériorisé, ce regard de doute, puis de détermination, puis de peur, parfois mélangés ensemble.
Car »La terre des hommes » parle aussi de la dureté du monde payant, avec un Olivier Gourmet en père aimant mais dépassé, toujours aussi excellent ou un Finnegan Oldfield, en compagnon à fleur de peau, qui se bat pour avoir des rêves, qui croit que le couple peut faire son trou dans ce milieu d’une dureté incroyable.
On y voit des ordures, des rapaces prêts à dépecer le premier collègue qui sera mis en liquidation judiciaire, dépendant d’autorités agricoles très politiques où le pouvoir est détenu par quelques uns, dont le loup de l’histoire.
Le film a donc cette double facette, ce double intérêt de traiter de la pauvreté paysanne, de la jeunesse paysanne qui voit tout de même de l’espoir et se bat pour des projets, confrontée à la froideur d’une administration gangrénée par quelques apparatchiks qui ont droit de vie ou de mort sur leurs rêves. Et face à cela, le réalisateur ajoute le sujet de l’emprise.
La maitrise du sujet…enfin des sujets, le scénario taillé avec justesse, le jeu des acteurs impeccable font de « La terre des hommes« une excellente surprise de cette rentrée de septembre.
La piste aux Lapins :
N°12 – Ex Aequo – « Don’t Look Up: Déni cosmique » de Adam McKay
Le pitch : Deux piètres astronomes s’embarquent dans une gigantesque tournée médiatique pour prévenir l’humanité qu’une comète se dirige vers la Terre et s’apprête à la détruire.
C’est donc l’un des csting les plus hype de l’année que se aie Netflix avec accrchez-vous Leonardo DiCaprio, Jennifer Lawrence, Meryl Streep, Cate Blanchett, Jonah Hill, Timothée Chalamet, Mark Rylance, Ron Perlman ou Ariana Grande pour les plus connus.
Et c’est un uppercut irrévérencieux très réussi pour Adam McKay, réalisateur oscarisé de l’excellent The Big Short en 2015 et qui a depuis officié sur la série Succession.
Le réalisateur livre un film extrêmement rythmé, grâce à la bonne idée de la menace d destruction du monde et un jeu d’acteurs au sommet, tous étant au top et Di Caprio renouant avec la comédie dans laquelle il a finalement peu eu d’occasions à part Attrapes moi si tu peux de Spielberg. Mais surtout le film est extrêmement drôle et passe au vitriol toute la sottise humaine de la société d’aujourd’hui, chacun en prenant plein la gueule.
Les politiques passent pour des demeurés incompétents qui surfent sur le marketing inconscients des dangers qu’ils sont e charge de régler par des décisions courageuses. Sauf qu’ils n’y comprennent rien et s’en contrefoutent tandis que les journalistes font du sensationnalisme et du show ou alors si ils sont plus sérieux, manquent de courage face aux autorités. Quand au quidam moyen, c’est un bon gros consommateur rivé à son smartphone et complétement décérébré. Bref, il n’ a personne à sauver tant l’humanité est devenue décérébrée et l’homme ultra égocentré.
Aux Etats-Unis le film n’a visiblemnt pas fait rire tout le monde et son accueil est divisé, certains se sentiraient ils visés ? Rassurons les ! C’est une satire donc c’est exagéré, comme le Docteur Folamour en son temps… et le problème c’est que se sentir autant visés et le prendre aussi mal, c’est louche non ?
Adam McKay utilise la farce ironique limite nihiliste avec une telle rage que çà fait franchement du bien. Ce n’est pas démago, c’est juste faire rire à partir élèvements qui vous rappelleront des situations pathétiques hélas déjà vues en moins trash et c’est là que le film devient limite flippant. Les fake news et le complotisme, sont évidemment passés au lance flammes.
C’est comme i vous regardiez Mars Attacks en réussi, le film de Burton ayant été l’un de ses premiers pas très inspiré.
Le film est étonnamment sombre, on aurait pu remplacer la comète par les catastrophes climatiques à venir.
Une remarquable réussite dans un style très difficile, celui de faire rire en regardant en face es défis qui attendent le monde.
La piste aux Lapins :
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N°11 – « Boîte noire » de Yann Gozlan
Six ans après « Un homme idéal« , le réalisateur Yann Gozlan retrouve Pierre Niney pour un autre thriller basé sur un concept fort et original.
Il nous immerge pour ceci dans un métier inconnu du grand public, celui de de technicien au BEA, autorité responsable des enquêtes de sécurité dans l’aviation civile. Un jour un crash aérien du vol Dubaï-Paris dans le massif alpin amène Mathieu Vasseur, joué par Pierre Niney, en tant que responsable de sur l’enquête.
Et là un cercle vicieux va commencer à tourner avec une logique d’engrenages dont sir Alfred Hitchcock n’aurait pas renié la qualité d’écriture.
Car Boite noire a un scénario excellent, qui aurait pu aller trop loin, à force de rebondissements mais qui sait garder un équilibre juste. Il nous ballade d’hypothèses en hypothèses avec une réalisation de premier ordre, qui ne tombe pas dans la facilité et impulse un suspens comme on en voit rarement dans le cinéma français.
Décidément le cinéma français est en très grande forme en cette année 2021 et Yann Gozlan y apporte tout son talent dans la catégorie film à suspens parano.
Pierre Niney trouve ici un de ses meilleurs rôles, d’une justesse impeccable entre intellectuel persuadé d’avoir raison et jeune homme ambitieux pris par l’hubris au point de semer le doute.
Car au delà d’un scénario haletant et d’excellents seconds rôles dont André Dussollier, l’acteur Pierre Niney nous montre la palette de son jeu, de ses regards épris de doutes puis de conviction à la limite de la folie. C’est très très réussi.
On est scotchés de bout en bout par ce thriller excellent où l’obsessionnel efface toutes les frontières entre conviction complotiste et réelle manipulation.
La sobriété du film alliée à une originalité de climax proche du « Chant du loup » fait de ce « Boite noire » un film à voir de toute urgence !
La piste aux Lapins :
N°10 – « Stillwater » de Tom McCarthy
En 2015, Tom McCarthy frappait fort avec Spotlight et ce film sur l’enquête sur les prêtres pédophiles au sein de l’Eglise Catholique. Son film était limite documentaire et reçu de nombreux prix à juste titre.
Aujourd’hui il revient avec un film très original puisqu’il immerge un foreur de pétrole du fin fond de l’Oklahoma en plein cœur de Marseille. Mais quelle drôle d’idée !
On se dit que çà ne va pas prendre, que ceci risque de tomber dans les clichés des américains sur la France ou dans le comparatif balourd entre une Amérique beauf et des situations défavorisées de quartiers. Sauf que pas du tout.
Le film est d’une finesse incroyable, porté par un duo tout aussi improbable.
Matt Damon retrouve un grand rôle comme il n’en n’avait pas eu depuis très longtemps dans cette stature de mâle taiseux, qui ne parle pas un mot de français et se déracine totalement de son Amérique profonde pour sauver sa fille, emprisonnée pour meurtre.
A travers son regard, ses expressions très minimalistes, il réussit à insuffler au personnage un attachement et une histoire, sans avoir besoin d’expliquer son passé. Face à lui Camille Cottin est impressionnante de naturel, avec un anglais impeccable qui lui ouvre les portes d’Hollywood puisqu’on la retrouvera bientôt chez Ridley Scott dans « House of Gucci« . Elle est tout simplement excellente de bout en bout en femme moderne, actrice de théâtre qui va aider cet américain complètement perdu qui ne sait pas à qui s’adresser. La construction de leur relation et d’un cocon de protection avec la fille du personnage de Camille Cottin, va dresser un miroir à la relation père-fille que le personnage a ratée. Cette fille jouée par Abigail Breslin est toute en nuances jusqu’au bout et ajoute une autre dimension au film, surprenante.
« Stillwater« est un grand film, ambitieux et qui aborde avec une grande subtilité la construction et déconstruction de liens familiaux, au-delà des frontières linguistiques, des murs de prison ou des océans.
Et c’est une très belle histoire, qui marque et qui reste dans la tête plusieurs jours tellement la mise en scène caméra à l’épaule, en plans serrés et le jeu des acteurs troublants de vérité et de naturel, font de cette histoire un must de 2021. L’action et le côté thriller alternent avec des scènes plus intimistes et donnent à l’ensemble une vitalité, une force qui font que les 2h20 passent très vite, avec une certaine forme d’évidence. L’évidence des très bons films.
Les nuances de « Stillwater » et ses propos plein de délicatesse en font l’une des plus belles surprises de l’année.
La piste aux Lapins :
N°09 – « Sound of metal » de Darius Marder
Ruben et Lou, ensemble à la ville comme à la scène, sillonnent les Etats-Unis entre deux concerts. Un soir, Ruben est gêné par des acouphènes, et un médecin lui annonce qu’il sera bientôt sourd. Désemparé, et face à ses vieux démons, Ruben va devoir prendre une décision qui changera sa vie à jamais.
« Sound of metal » est porté par l’excellent Riz Ahmed, vu dans Night call, Star wars Rogue One, la série the Night Of, ou Les frères Sisters de Jacques Audiard.
Ici sa frêle silhouette de petit mec énervé va se confronter au mur du silence comme un coup d’arrêt immédiat à une vie, des rêves, une fuite en avant que le personnage orchestrait avec sa copine. Ils étaient restés adolescents et sentaient une liberté mais aussi un stress, celui de ne pas savoir vers où ils allaient. Ce mélange d’inconnu et de kif pour une musique et un art qu’ils adorent, se trouve stoppé net.
Privé de l’audition, de ce qui créait ses plaisirs, son repère au monde et guidait sa passion, le personnage voit alors tout se dérober sous ses pieds.
Dès lors que faire ? L’immersion de ce dernier dans une communauté de sourds muets va alors lui permettre de retrouver l’espoir et surtout de reconstruire un monde, des liens sociaux. Le film est à la fois très rude par la violence de ce qui arrive et cette cassure à laquelle n’importe qui peut s’identifier.
Mais il est aussi porté d’une lucidité sans pathos, et avec de la lumière malgré out, juste que ce n’est pas celle qu’aurait souhaitée le personnage, c’est un chemin imposé.
Le réalisateur, Darius Marder, dont c’est le premier film de fiction à 48 ans, décide de nous immerger dans ce monde du silence en usant des bruits, des sonorités telles que le personnage les perçoit dorénavant puis en nous faisant écouter le vrai son par les personnages extérieurs. Ceci donne au récit une dimension très particulière et au delà d’une excellente direction artistique et d’une direction d’acteur là aussi brillante, le film provoque un sentiment très étrange.
On est pendant deux heures aux côtés de ce jeune homme qui se bat pour ne pas perdre un monde dont il a été expulsé du jour au lendemain pour toujours. Son combat est très émouvant et encore une fois très sobre, pas de mélo. Mais surtout le film provoque à plusieurs reprises une émotion que je n’ai jamais ressentie de la sorte auparavant grâce au thème et au traitement de ce dernier.
Rares sont les films qui allient aussi bien le fond de leur propos et la forme.
Un des grands films de 2021 assurément.
La piste aux Lapins :
N°08 – « La Nuée » de Just Philippot
Le pitch : Difficile pour Virginie de concilier sa vie d’agricultrice avec celle de mère célibataire. Pour sauver sa ferme de la faillite, elle se lance à corps perdu dans le business des sauterelles comestibles. Mais peu à peu, ses enfants ne la reconnaissent plus : Virginie semble développer un étrange lien obsessionnel avec ses sauterelles…
Le film de genre à la française revient en force avec plusieurs films acclamés en festival dont « La Nuée« , premier film de Just Philippot, qui embrasse les cauchemars de monstresmais aussi les réflexions autour du monde paysan et de la grande difficulté économique que ces derniers encaissent. Et c’est là que le film est original, son scénario, écrit par Jérôme Genevray et Franck Victor est très très bien ficelé, faisant monter la pression par strates successives et sans relâche, en intercalant des moments plus axés sur la violence sociale que vit l’héroïne, jouée par Suliane Brahim, sociétaire de la Comédie-Française.
Souvent en France, il est de bon ton qu’un réalisateur écrive aussi son scénario. Sauf que ce sont deux métiers très différents et qu’on n’a pas forcément le même talent pour les deux. En prenant ce récit via ce découpage des taches entre deux excellents scénaristes et un jeune réalisateur totalement tourné vers l’immersion dans l’étrange, le résultat est indéniablement l’une des plus belles pépites que le cinéma français sortira en 2021 !
Suliane Brahim incarne un personnage trouble dont on n’arrive jamais à savoir quelle sera sa direction entre folie ou raison, entre faire passer en premier ses enfants ou ses insectes. Le lien qui l’unit à ces bêtes est particulier car axé sur sa propre survie, celle de pouvoir vivre de son exploitation. Elle est prête à sacrifier tellement que le scénario surfe sur l’inconscient collectif que l’on a de grands psychopathes du cinéma d’épouvante. Sauf qu’ici le psychopathe travaille avec des monstres en pleine campagne. Strange.
La maitrise incroyable du récit, de la mise en scène, avec une économie de démonstration et peu de scènes horrifiques en soit, montre à quel point « La Nuée » est très original et différent de ce que l’on connait.
La spirale fantastique du film le rend fascinant et terrifiant.
On a hâte de voir la suite de la filmographie tant des scénaristes que du réalisateur et de l’actrice principale.
Un belle et forte surprise et une proposition de cinéma qui fait du bien car elle innove avec talent.
La piste aux Lapins :
N°07 – « The Father » de Florian Zeller
Florian Zeller est un auteur de théâtre et un écrivain à succès devenu réalisateur de grand talent avec ce premier film, The Father, encensé par la presse et qui a valu un second Oscar du meilleur acteur à Anthony Hopkins dans le rôle d’un père perdant la mémoire sous nos yeux et étant géré par sa fille, jouée par l’excellente Olivia Colman (La Favorite, The Crown).
Un second oscar du meilleur scénario a couronné le film à très juste titre.
The Father est tout simplement bouleversant de bout en boit car il repose sur un concept brillant. Il nous fait vivre à nous, spectateurs, le perte de repères temporelle, la confusion des lieux, des dates et même des individus en nous insérant dans la tête de cet octogénaire en perdition.
Anthony Hopkins est hyper impressionnant et amène une empathie incroyable pour lui sans aucune forme de pathos ou de condescendance. Il est d’une justesse incroyable avec en face de lui une Olivia Colman tout aussi inspirée.
Le film aurait pu être uniquement lourd et angoissant. Certes le sujet est grave et ne prête à aucune légèreté mais il est amené avec tellement de talent dans le scénario à tiroirs que le film vous scotche devant l’écran et ne peut pas vous laisser indifférent.
Le film trotte d’ailleurs dans la tête un peu plus longtemps car il vous renvoie à votre propre situation, celle de vos parents, grands-parents voir la votre si vous vous projetez. Un sujet si universel méritait un traitement aussi fin, réaliste et regardant les choses en face. Amour de Michael Haneke avait aussi cette force de l’inévitable, du déterminisme de notre finitude à tous tout en charriant des flots de sentiments.
La piste aux Lapins :
N°06 – « Le sommet des Dieux » de Patrick Imbert
Quelle idée gonflée pour un réalisateur français que d’adapter un manga culte de Jirô Taniguchi, auteur de « Quartier lointain« , « L’homme qui marche » ou « Le journal de mon père« .
« Le sommet des Dieux » fait partie de ces œuvres fascinantes de simplicité et de beauté et la première force du film est de synthétiser 1000 pages de mangas en 1h30 et de garder toute l’essence de l’œuvre pour la rendre accessible au plus grand nombre.
Le pitch : A Katmandou, le reporter japonais Fukamachi croit reconnaître Habu Jôji, cet alpiniste que l’on pensait disparu depuis des années. Il semble tenir entre ses mains un appareil photo qui pourrait changer l’histoire de l’alpinisme. Et si George Mallory et Andrew Irvine étaient les premiers hommes à avoir atteint le sommet de l’Everest, le 8 juin 1924 ? Seul le petit Kodak Vest Pocket avec lequel ils devaient se photographier sur le toit du monde pourrait livrer la vérité. 70 ans plus tard, pour tenter de résoudre ce mystère, Fukamachi se lance sur les traces de Habu. Il découvre un monde de passionnés assoiffés de conquêtes impossibles et décide de l’accompagner jusqu’au voyage ultime vers le sommet des dieux.
L’animation est tout d’abord fidèle au roman graphique et d’une grande fluidité, permettant de toucher du doigt toute la poésie de ces aventuriers limite nihilistes qui se dépassent pour gravir des sommets quitte à y mourir et qui le font pour l’ivresse du dépassement, pour s’extirper de leur propre vie vers un idéal à la fois fascinant et qui les surpasse.
« Le sommet des Dieux » parle de l’humilité de l’homme face à la nature et se mue en réflexion philosophique sans jamais tomber dans le démonstratif ou l’explication de texte.
Patrick Imbert insuffle un rythme, un suspens qui vous prend aux tripes et vous balance une décharge d’humanité qui fait un bien fou.
La profondeur des thèmes et leur extrême pudeur font de cette adaptation l’un des grands films de 2021.
Arriver à capter le gigantisme des paysages, le danger qui se dérobe sous les pieds, le vertige des risques pris, juste avec des dessins. C’est un tour de force très très respectable.
« Le Sommet des Dieux » allie un scénario et une narration intelligente, une illustration graphique fidèle et qui capte toute la réflexion sur de grandes questions existentielles, et se termine sur l’impression d’avoir vu un très grand film.
La piste aux Lapins :
N°05 – « Le dernier Duel » de Ridley Scott
Pour ce nouveau scénario signé par Matt Damon et Ben Affleck, Ridley Scott renoue avec le meilleur de son cinéma et livre un film miroir à son premier chef d’œuvre et premier long métrage, « Les duellistes« .
Ce qui frappe d’abord est son sens aigu et clair pour filmer des scènes de batailles d’une rare violence avec brio. Papy Scott n’a rien perdu de son talent et même, ce que je pouvais lui reprocher sur Gladiator et des scènes d’action très brouillées où on ne voyait rien, ici et bien c’est l’inverse. On voit toute la brutalité du moyen âge et le peu de cas donné au sens d’une vie.
Ridley Scott use donc d’une histoire vraie, le dernier duel à mort autorisé en France par le Roi en 1386, pour décrire trois versions d’un même récit sous l’angle des trois protagonistes, le mari bafoué, joué par Matt Damon, l’épouse clamant qu’elle a été violée, Jodie Comer, et l’accusé de viol, incarné par Adam Driver.
Et là, avec la même technique que sur le Rashomon d’Akira Kurosawa, le maitre britannique livre son meilleur film depuis 15 ans. Car les scènes sont vues avec de légers décalages de points de vues et chaque personnage prend en épaisseur, en nuance ou au contraire en brutalité et veulerie.
L’évolution du récit est fascinante car l’angle change. Le personnage chevaleresque et soucieux des femmes passe à une brute obligée de faire la guerre pour gagner de l’argent. On y voit la construction d’une rivalité sur le favoritisme fait à l’un et le refus de tout ou l’humiliation infligé à l’autre. Il est alors plus question d’image que d’honneur ou de défense du bon droit. Pareil pour l’accusé violeur dont la vision propre est nuancée dans son regard même si Scott assume de le désigne coupable ou non coupable dans les faits. Il distille juste le malaise que certaines soubresaut donnent aujourd’hui comme The Morning Show.
Ridley Scott fait de son film un brulot féministe dénonçant la crasse de la culture du viol de cette époque et nous ramène au chemin encore à parcourir justement en montrant la vision du mâle et son absence de conscience.
C’est à la fois brillant et très moderne que de parler de sujets très contemporains avec autant de finesse et de recul sur notre propre histoire culturelle.
Le dernier duel est une fresque médiévale pleine de surprises, mise en scène avec brio et portée par un casting quatre étoiles au premier rang duquel Jodie Comer, héroine de Killig Eve, explose comme une énorme star.
La piste aux Lapins :
N°04 – « The Nightingale » de Jennifer Kent
Le pitch : Tasmanie, 1825. Clare, une jeune irlandaise, poursuit un officier britannique à travers la Tasmanie pour se venger d’actes de violence qu’il a commis contre elle et sa famille, avec pour seul guide un aborigène.
Disponible sur OCS depuis le 09 mars 2021
Avec Aisling Franciosi, Sam Claflin, Baykali Ganambarr
On reconnait un grand film assez rapidement. Lorsqu’au bout de cinq minutes, on est happé par la mise en scène, le scénario, le jeu, l’ambiance.
« The Nightingale » est une totale réussite. La réalisatrice Jennifer Kent, repérée avec le film d »épouvante Mister Babadook en 2014, revient avec un film qui parle de condition féminine (ou plutôt d’absence de condition) dans une Australie d’une violence inouïe au 19ème siècle.
Elle décrit le racisme à l’état brut et pur. La violence des morts et des situations est forte mais impactante. On comprend toute l’horreur d’un comportement génocidaire de colons anglais bas du front et capables du pire, de nier l’humanité d’une femme ou d’un autochtone. La bêtise, la cruauté et la stupidité humaine, de ces blancs se sentant supérieurs et civilisés mais détruisant un autre peuple et s’abaissant à l’état de bêtes, c’est hélas le lot commun des envahisseurs sur tous les territoires du monde tout au long de l’histoire de l’humanité.
Jennifer Kent le montre crument et nous fait toucher du doigt la fragilité de la vie, l’absence de valeur donnée à cette vie par ces connards qui ont pavé notre histoire commune et l’ont façonnée. Alors forcément, on ne s’étonne pas de la violence actuelle car l’homme est un loup pour l’homme et encore le loup vit en meute. Ici bien des personnages sont immondes mais mention spéciale est à adresser à celui joué par Sam Claflin, qui trouve enfin un bon rôle. C’est d’ailleurs une bonne idée de confier ce rôle de sadique sans aucune conscience à part celle de son égo, à un beau mec, plastiquement séduisant mais à gerber de par son comportement.
Puis la réalisatrice nous plonge en pleine nature et jungle sauvage, hostile mais non du fait des animaux mais plutôt des hommes blancs qui la traversent avec brutalité. D’ailleurs le symbolisme de l’arrivée à la ville et de l’immersion dans un monde encore plus dangereux est extrêmement réussi.
Aisling Franciosi campe cette jeune femme pleine de rage et qui n’a plus rien à perdre. Mais là où plein de réalisateurs auraient transformé ce film de vengeance en thriller rythmé par une musique omniprésente, Jennifer Kent apporte tant un regard de femme vraiment nouveau sur le genre que des choix de mise en scène radicaux.
La violence n’est pas embellie ou scénarisée avec des choix de couleurs, de ralentis ou autres astuces. Non, elle est brutale, arbitraire et on ne l’attend pas, on la subit. Par ailleurs, l’absence de musique ancre encore plus le long métrage dans une absence d’artifice. C’est ce qui permet au film d’atteindre un niveau supérieur à la moyenne artistique, via également son choix de format d’image carrée, très resserré.
Cette guerre entre Aborigènes et britanniques en Tasmanie est un sujet relativement inédit et une période, un lieu de l’histoire rarement évoqué au cinéma.
Le film est nuancé quant à la psychologie de ses deux protagonistes, la femme et l’aborigène, interprété magnifiquement par Baykali Ganambarr, au regard inoubliable d’humanité, de révolte et de dignité. Leurs mentalités meurtries vont apprendre à se comprendre et à s’associer pour faire naitre une amitié. C’est là que « The Nightingale » décolle littéralement par le souffle de l’émotion qu’il apporte. La grande dignité du récit, âpre et de la volonté de survie pour se venger puis pour l’autre, c’est ce qui fait que le film devient très beau, très fort sans aucun sentimentalisme.
La puissance de « The Nightingale » est qu’il fonctionne comme un uppercut drainant des thématiques sociales très fortes, brulot pour la tolérance entre les peuples autant que divertissement rempli de suspens teinté de déterminisme voire de nihilisme. Cette dimension de vengeance d’une femme et d’un homme à qui on a tout pris sans aucune retenue, sans aucun contrôle, en leur marchant dessus, en niant leur existence, fait du film un objet cinématographique marquant.
Une grande réalisatrice est née, signant un excellent film à voir de toute urgence !
La piste aux Lapins :
ET ET ET …LA TETE DU CLASSEMENT 2021 AVEC PAS MAL D’EX AEQUO CAR CE SONT DES FILMS EXCEPTIONNELS :
3ème ex aequo – « Drive my car » de Ryusuke Hamaguchi
Il faut faire un certain effort pour vouloir voir ce « Drive my car« , film japonnais de 3 heures soit une complexité à trouver ce temps dans un agenda. Le film était l’un des chocs du dernier festival de Cannes et il est reparti avec le prix du scénario alors qu’on le voyait dans les favoris pour la Palme d’Or après son accueil critique unanimement dithyrambique.
Et c’est vrai que « Drive my car » est un très grand film, une réussite majeure qui fait exploser à l’international un grand cinéaste japonnais, Ryusuke Hamaguchi.
Moi qui déteste les films longs, j’ai trouvé le film fluide et certes baigné d’un rythme particulier mais sans scènes en trop.
Le réalisateur arrive à nous parler du deuil, de l’acceptation de la disparition de l’être aimé avec une très grande finesse dans son scénario justement, d’où cette récompense cannoise hyper logique.
On y suit un acteur de théâtre reconnu qui vit avec son épouse scénariste de télévision, qu’il adore avant qu’un drame le pousse loin de chez lui pour la mise en scène d’Oncle Vania à Hiroshima, avec des acteurs parlant des langues différentes dont la langue des signes. Et afin de ne prendre aucun risque d’accident, le festival qui l’accueille exige qu’une jeune chauffeur conduise sa voiture pendant toute la durée des préparatifs et de la représentation.
Bien sur la durée du film est utilisée pour développer divers personnages secondaires qui donnent énormément d’humanité et de touches fines au tableau que dresse l’auteur.
Surtout il fait se croiser deux être extrêmement seuls qui n’arrivent pas à faire un deuil, à passer à autre chose et qui sont emprisonnés tant dans leur vie passée, leurs souvenirs que l’absence de mots mis sur leurs erreurs, sur les regrets qui les dévorent, ce qu’ils auraient voulu dire au disparu, comment ils auraient pu éviter le drame. Le déterminisme et la fatalité qui se sont abattues sur ces personnages aboutissent à un message de vie et surtout un recul brillant sur comment exister dans un monde où l’être qui était tout pour soit n’est plus là.
Le film réussit à construire cette relation devant nos yeux sur la base de l’écoute. L’écoute de l’auteur dont l’épouse lui raconte ses histoires avant d’en faire des scénari et on comprendra pourquoi plus tard, l’écoute d’une cassette audio pour apprendre son texte, l’écoute par le chauffeur de tout ce qui arrive à son client avant d’interagir, l’écoute de l’acteur lorsqu’elle se confie, l’écoute des sept acteurs de théâtre qui lisent leur texte encore et encore afin d’atteindre une perfection de jeu…le scénario se renvoi des références, des clins d’œils et fonctionne de façon incroyable lorsqu’il explique les scènes passées et redéploie des scènes vues plus tôt qui prennent tout leur ses à la lumière de l’évolution de l’histoire.
Quel hommage aux conteurs et à la force de la parole pour panser les blessures et renaitre. Quel hommage à l’art en tant que tel, à cette pièce de théâtre d’Anton Tchekhov dont le héros dit à un jeune acteur que le texte lui répond quand on se l’approprie et qu’on lui parle, comme un être fascinant et vivant. Et là où « Drive my car » est très très fort c’est qu’il illustre ce propos qui pourrait être ultra théorique via quelques scènes plus loin qui ouvrent l’histoire et vous font dire « ouha, sacré dispositif scénaristique !« .
« Drive my car » est donc un film brillant d’intelligence, à la fois envoutant, sensuel et limpide. Et non le film n’est pas du tout chiant, loin de là. Il s’y passe de nombreuses choses même si elles sont souvent racontées mais c’est justement tout le thème et le tour de force du film.
La suggestion provoquée par les mots et le récit que font les personnages, récits qui s’enchevêtrent, est d’une ampleur assez bluffante, et d’une profondeur assez rare.
La piste aux Lapins :
3ème ex aequo – « La main de Dieu » « The Hand of God » de Paolo Sorrentino
Le Pitch : Naples dans les années 80. Fabietto Schisa, adolescent mal dans sa peau, vit avec sa famille excentrique et haute en couleurs. Mais son quotidien est soudain bouleversé lorsque Diego Maradona, légende planétaire du football, débarque à Naples et le sauve miraculeusement d’un terrible accident. Cette rencontre inattendue avec la star du ballon rond sera déterminante pour l’avenir du jeune homme. Avec La Main de Dieu, Sorrentino revient dans sa ville natale pour réaliser son film le plus personnel, qui mêle le destin et la famille, le sport et le cinéma, l’amour et les illusions perdues.
Paolo Sorrentino est l’un des grands réalisateurs italiens du moment, qui tourne à l’international et nous a livrés L’Ami de la famille (2006), puis Il Divo (2008) sur l’homme politique italien Giulio Andreotti, This Must Be the Place avec Sean Penn, La Grande Bellezza sur un écrivain romain désabusé, qui reçoit l’Oscar et le Golden Globe du Meilleur Film étranger en 2014 et enfin le sublime Youth où Michael Caine et Harvey Keitel interprètent deux amis artistes au crépuscule de leur existence, un film magnifique. Puis il va marquer les critiques avec sa série en deux saisons géniales sur un Pape jeune mais ultra conservateur joué par Jude Law avec The Young Pope puis THe New Pop tout aussi excellente avec en plus le trop rare John Malkovich.
De par ses thématiques variées, sa mise en scène fluide et très esthétique, usant de bande son toujours originale et de scènes surréalistes venant agrémenter des rêves des personnages, Sorrentino a trouvé son style, assez vite reconnaissable.
Vous retrouverez tout ceci dans cette production Netflix, prête à conquérir de nombreux prix début 2022 après son Lion d’argent à Venise en septembre dernier, car c’est probablement l’un de ses meilleurs si ce n’est son meilleur film.
« La main de Dieu » raconte son histoire à lui, totalement autobiographique, d’un jeune adolescent qui trouva sa voie après un drame familial d’une violence que je ne connaissais pas avant de lire sa bio, après le visionnage. En se livrant ainsi, Paolo Sorrentino nous offre un magnifique hommage à la création, à la liberté et l’insouciance de son adolescence et surtout à ses parents.
Toni Servillo et Teresa Saponangelo sont à tomber par terre et ne pourront que vous rendre fans absolus de leurs personnages, de leurs trahisons, leurs mensonges, leurs fêlures. Le regard sur ses parents de Sorrentino est tendre sans être trop mélancolique car il leur rend vie à travers ces deux portraits iconoclastes. Cette mère blagueuse qui fait des canulars est géniale, ce père volage communiste et banquier est excellent et haut en couleurs. Et toute la familia italienne autour donne lieu à des scènes où l’on est hilares.
Le film est au début très lumineux et très drôle et bien sur le réalisateur choisit la nuit pour les scènes de drame et post drame et le crépuscule pour son entrée dans l’âge adulte.
Filippo Scotti crève l’écran dans le rôle du réalisateur, à la fois naïf et solaire, qui découvre la vie peu à peu. On peut lui prédire une belle carrière.
Je rassure les non fouteux, Maradona n’est qu’un prétexte à un superbe film sur les illusions perdues de l’adolescence, la fin de l’enfance forcée avec toute une galerie de personnages denses, complexes ou tout simplement tellement originaux que le film passe à une vitesse incroyable.
On touche du doigts la solitude et le manque qui ont amené à façonner l’artiste qu’est devenu Paolo Sorrentino aujourd’hui.
Et c’est d’autant plus émouvant qu’avec ce film, il semble parler à ses parents et leur dire « voyez ce que vous m’avez transmis ! voyez ce que je suis devenu grâce à vous ! Pour tout cela je vous aime « . Il est difficile de ne pas être ému par ce message après avoir tant croqué la vie avec lui dans ce Naples magnifié.
Un film sublime.
La piste aux Lapins :
3ème ex aequo - »Nomadland » de Chloé Zaho
Voici enfin le film multi récompensé d’un lion d’Or à Venise, Oscar du meilleur film, 3ème Oscar de meilleure actrice pour Frances McDormand (Madame Joel Coen) et Oscar de la meilleure réalisatrice pour Chloé Zaho, seconde réalisatrice oscarisée, d’origine asiatique qui plus est.
A tous ces titres le film est mémorable mais il serait limitatif de le considérer uniquement par ce biais prestigieux. Car si Nomadland a autant séduit, c’est surtout parceque c’est un grand film, d’une puissance rare.
Chloé Zaho avait déjà montré avec The Rider son attachement aux grands paysages montagneux et désertiques d’Amérique. Elle en fait ici un quasi personnage à part entière et s’intéresse à un thème et une population dont on ne parle jamais.
Nous allons suivre durant près de 2h une femme d’une soixantaine d’année qui a perdu son travail et son mari (elle est veuve) dans une région désindustrialisée d’une cité ouvrière du Nevada, rayée de la carte lorsque l’usine a fermé.
Mais plutôt que de tenter de se reconvertir sur place, elle a préféré prendre la route avec son van et vivre sans domicile fixe, en alternant des petits boulots au fil de son voyage.
On ne comprend qu’à la fin la raison de ce chemin et de ce (non) choix de vie. Car si le personnage vit de peu et s’est vue contrainte de tout abandonner pour des raisons d’argent, son périple s’avère aussi être une échappée qui l’empêche de faire le deuil et lui permet de ne pas couper totalement avec le passé. Ces paysages sont autant d’occasions de s’intérioriser.
Le film n’est ni misérabiliste ni bourré de pathos, à l’image de son actrice principale, au regard qui évoque à la fois la tristesse et la ténacité, Nomadland nous fait découvrir des vies brisées qui se sont trouvées un mode de vie empreint de liberté et de volonté de ne pas trop s’attacher au matériel des choses, voire aux souvenirs. C’est toute l’ambiguïté du film que de voir ces personnages tenter de s’en sortir, se serrer les coudes et créer une vrai communauté, mais aimer également ce mode de vie comme une réponse à la société qui les a jetés sur le côté et comme une déclaration de vie face à un passé qui les a brisés à un moment ou un autre.
Le fait d’embaucher des non acteurs, des personnes qui vivent vraiment en nomades rend le film particulièrement authentique. Chloé Zaho aime les silences et illustre la grande solitude de ces âmes vagabondes tout en montrant le lien qui les unit, les fragilités qui créent leur communauté et ce besoin immense de s’oublier dans les étendues désertiques et les paysages à couper le souffle, plus grands qu’eux mêmes. Ils donnent évidemment une résonance toute particulière à leur solitude. C’est comme si les personnages s’abandonnaient à la nature, préféraient l’absence d’attache, fuyant le monde normé des vivants sédentaires car il est derrière eux… avec de très bons souvenirs mais une absence d’envie d’en accumuler d’autres sans les proches qui sont désormais disparus. La vie n’aura plus le même goût alors pourquoi tenter de la recréer de façon factice ?
Le message est très beau et fait pleurer à plusieurs reprises par son extrême simplicité naturaliste.
On est sidéré par tant d’humanité blessée, de résilience et de force qui imprègne le personnage de Frances McDormand. La modestie de la réalisation rend le film encore plus fort et plus attachant envers ces personnages fantomatiques que l’Amérique a oubliés depuis longtemps.
Mais surtout le film se veut un hymne à la vie et à la commuions avec la nature, moins désespéré que le thème ne le laisserait penser, avec une nuance de couleurs crépusculaires où la lumière est encore présente et c’est très très beau.
La piste aux Lapins :
3ème ex aequo – « A Sun » de Mong-Hong Chung
Surprenant que Netflix diffuse ce type de film, comme quoi la plateforme diversifie son offre et ne pense pas qu’aux séries de qualités diverses ou aux gros films d’auteurs.
Je viens donc de découvrir un nouveau grand nom du cinéma asiatique. Mong-Hong Chung est taïwanais, il n’est pas à son premier long métrage mais ses films ne traversaient pas les océans. Merci donc à la plateforme au N rouge.
Car je me suis pris une vraie claque de cinéma avec cette histoire de famille déchirée par un drame, qui va se déconstruire et se reconstruire sous nos yeux.
Ne vous fiez pas aux 2h30 de durée, ils passent très vite tant le talent de mise en scène rappelle les plus grands, de la finesse de Wong Kar Wai et l’action plus énervée des grands réalisateurs sud coréens.
Le film fascine dès ses premières minutes lorsque le jeune cadet de la famille participe à une vengeance auprès d’une petite frappe. Il se retrouve emprisonné pour trois ans. Sauf qu’il vient de mettre enceinte une gamine de 15 ans, que sa mère tente comme elle peut de gérer, que son frère ainé, beau et intelligent est le chouchou du père qui méprise son autre fils qu’il considère comme un raté…ambiance.
A cette histoire de famille qui s’est construite sur des déceptions, une absence de dialogue, des culpabilités, va se rajouter tour à tour un fantôme, un thriller noir, une histoire de rédemption et d’acceptation, et au final un chemin vers la lueur.
Mong-Hong Chung a une immense tendresse pour ses personnages auxquels on s’attache immédiatement, qu’ils soient dans l’aveuglement, la violence stérile ou qu’ils soient paumés.
Peu à peu les fils entre eux vont se démêler et devenir d’une limpidité confondante, d’une beauté assez remarquable. A de nombreuses reprises l’émotion arrive là où on ne l’attend pas, avec sobriété mais avec l’effet que font les grands films, ceux qu’on ne voit pas venir et qui vous emportent.
Les messages du film sont universels et au final d’une grande simplicité. Mais aussi A sun reste un objet de cinéma divertissant malgré l’alternance de minimalisme formel et de ruptures émotives qui prend garde à ne jamais laisser le spectateur se perdre. Il prend certes le temps de décrire les relations et d’instaurer une ambiance très particulière formée de tension et d’espoir. Mais il ne prend pas trop le temps, usant d’ellipses et d’effets d’accélérateurs de l’histoire pour éviter au spectateur de s’appesantir et l’accrocher à l’étape d’après.
Œuvre à l’esthétique parfois radicale, A Sun use parfois de violence graphique mais toujours au moment opportun, jamais pour de l’esbroufe. A Sun alterne le romanesque et d’autres genres de cinéma avec une fluidité étrange.
Forcément, après ce coup de maitre, je ne peux qu’avoir envie de voir ce que Mong-Hong Chung nous réservera pour la suite de sa carrière.
La piste aux Lapins :
2ème ex-Aequo – « Gagarine » de Fanny Liatard, Jérémy Trouilh
Youri, 16 ans, a grandi à Gagarine, immense cité de briques rouges d’Ivry-sur-Seine, où il rêve de devenir cosmonaute. Quand il apprend qu’elle est menacée de démolition, Youri décide de rentrer en résistance. Avec la complicité de Diana, Houssam et des habitants, il se donne pour mission de sauver la cité, devenue son » vaisseau spatial « .
Fanny Liatard et Jérémy Trouilh signent leur premier film et c’est une énorme claque !
Comment parler de banlieue sans verser dans les clichés, sans ressasser les sempiternels constats et en positivant. Gagarine n’est pas un feel good movie mais une métaphore surprenante dont vous sortirez des étoiles plein les yeux car le film est très beau.
Il a ce qui est rare au cinéma, quelques fois par an, la grâce !
En choisissant de suivre ce jeune homme à peine sorti de l’adolescence qui rêvait de devenir cosmonaute et tente à tout prix de réparer sa cité pour éviter qu’on la détruise, les réalisateurs ont choisi un angle de vue totalement original et différent. Ils rendent un merveilleux hommage à tous les rêveurs, ceux qui pensent que l’imaginaire est plus fort que le réel et permet de tenir. Forcément, je ne peux qu’être touché par cela, moi qui adore Terry Gilliam et tous les fous capables de s’évader avec trois bouts de ficelles et un carton, juste en se projetant dans leurs fantasmes et en laissant leurs créativité intérieure panser tout le reste.
Car Gagarine n’en demeure pas moins un film social. Mais c’est plus sur la communauté de vies que le film insiste. Sur ces familles reliées par un même lieu, une cité qui tombe en ruines mais qui est leur vrai chez eux car ils y ont noué des liens humains, des souvenirs et bien sur, des rêves. La solidarité des uns et le jamais content des autres donne à l’ensemble une vie de village explosé et de vrais gueules.
Le héros gère sa propre solitude et l’abandon par sa mère par cet objectif totalement fou, celui de réparer sa cité voir de s’envoler comme Youri Gagarine.
Alséni Bathily, Lyna Khoudri, Jamil McCraven et Finnegan Oldfield forment un quatuor de jeunes gens absolument renversants de sensibilité, d’amitié et de solitudes qui s’entrechoquent et s’apprivoisent parcequ’ils ne sont rattachés à rien d’autre que cette cité « Gagarine« .
Celà faisait très longtemps que je n’avais pas vu autant de douceur, de poésie d’une simplicité confondante qui donne le sourire et un message ultra positif sans être naïf pour autant.
Le film est qui plus est superbement mis en scène, entre travelling exposant tout l’urbex de ce batiment en ruines et les idées d’images très originales qui illustrent ce poème salvateur et onirique.
Bouleversant et en apesanteur. Un très grand film.
La piste aux Lapins :
2ème ex-Aequo – « Annette » de Léos Carax
Le pitch : Los Angeles, de nos jours. Henry est un comédien de stand-up à l’humour féroce. Ann, une cantatrice de renommée internationale. Ensemble, sous le feu des projecteurs, ils forment un couple épanoui et glamour. La naissance de leur premier enfant, Annette, une fillette mystérieuse au destin exceptionnel, va bouleverser leur vie.
Léos Carax est un réalisateur très rare, adulé mais qui ne sort que son sixième film à 60 ans. Le réalisateur de « Mauvais sang », « Les amants du Pont neuf » et le merveilleux « Holy Motors » était attendu au tournant avec cette comédie musicale, maintes fois repoussée et basée sur un travail étroit avec le groupe Sparks.
Le film a divisé à Cannes et va diviser le public entre ceux qui trouvent le film ridicule et ceux qui adorent et crient au génie.
C’est sur que voir Marion Cotillard en cantatrice qui meurt à la fin de chacune de ses pièces de théâtre, çà peut faire penser à sa mort ratée dans The Dark Knight Rises. Ok, mais ce serait vraiment stupide de s’arrêter à cela. C’est vrai que la voir chanter en cantatrice grimée ceci peur agacer certains. Et enfin c’est vrai que le choix gonflé de Carax de représenter l’enfant du couple de la sorte (surprise, je ne vous dis pas) peut désarçonner une partie du public mais il y a une raison, évidente, que vous comprendrez à la toute fin.
Et bien moi je fait partie de l’autre catégorie qui s’est pris une énorme claque de cinéma !
Le cinéma n’est pas mort, il revient à Cannes et de quelle plus belle manière pouvait-il le faire ?
Léos Carax a l’idée géniale de présenter son film par lui même, muet qui lance le générique avec les Sparks et une chanson qui invite à intégrer le show, « So may we start ?« …et là le film décolle dès le début en chansons et ne quittera jamais le concept. Cà chante tout le temps du début à la fin.
Adam Driver de sa voix grave est juste génial de bout en bout et mériterait un prix d’interprétation.
Certaines scènes sont des moments de fulgurance narrative assez incroyables. La scène à moto, les scènes du comique qui s’adresse au public sont tout simplement brillantes.
Driver est confondant de talent et Carax confondant d’inventivité et de fluidité de sa mise en scène.
Il lie l’histoire de ce couple star d’artistes et leur destin à la construction d’un grand Opéra. Jusque dans les décors, somptueux qui rappellent la scène de théâtre, tout est pensé, millimétré avec une intelligence incroyable.
Léos Carax m’a surpris par un film comme je n’en n’ai pas vu auparavant, pas comme çà.
Annette est d’une poésie sombre, rythmée par une BO des Sparks qui colle au récit avec virtuosité.
Ce récit sur le mal profond né de la jalousie et de la passion, sur l’enfance volée, sur la célébrité est d’un lyrisme impressionnant.
Ce chef d’œuvre instantané est qui plus est très accessible.
Un film sublime et déchirant, d’une beauté rare.
La piste aux Lapins :
1er ex-aequo 2021
« La loi de Téhéran » de Saeed Roustayi
Le pitch : En Iran, la sanction pour possession de drogue est la même que l’on ait 30 g ou 50 kg sur soi : la peine de mort. Dans ces conditions, les narcotrafiquants n’ont aucun scrupule à jouer gros et la vente de crack a explosé. Bilan : 6,5 millions de personnes ont plongé. Au terme d’une traque de plusieurs années, Samad, flic obstiné aux méthodes expéditives, met enfin la main sur le parrain de la drogue Nasser K. Alors qu’il pensait l’affaire classée, la confrontation avec le cerveau du réseau va prendre une toute autre tournure…
Pour son premier film, l’iranien Saeed Roustayi scotche tout le monde et se fait un nom aux côtés des plus grands dont Asghar Farhadi ou Jafar Panahi.
Dès les premières scènes il dévoile l’ampleur de sa mise en scène extrêmement fluide et qui use du symbole sans en faire des caisses. On y voit des policiers qui arrêtent des centaines de consommateurs de drogue dure, entassés dans un terrain vague entre des silos de bétons, de tous âges par c’est la pauvreté qui les a amenés là. L’exode des cette foule d’anonymes vers d’immenses prisons est juste bluffant car il dit tout de ce fléau ingérable sur place car sa racine est la misère. La première scène est une course poursuite à pied dans Téhéran entre un policier et un dealeur et le final est juste excellent tant il va jouer sur le reste de l’histoire à un moment inattendu.
Roustayi aurait pu être considéré comme ultra classique et peu critique de la société (le film est sorti en Iran et a cartonné) mais justement il montre « les bons », ces policiers qui traquent les dealeurs et tentent de démonter un réseau, avec un regard distant.
Le policier, anti héros joué par la star Payman Maadi (vu chez Asghar Farhadi) est jusque boutiste et d’une dureté incroyable. Alors qu’on apprend très vite que les peines peuvent aller rapidement à la peine de mort.
Il nous parle de corruption de la police comme une chose commune mais fait de ses personnages de bons policiers. Pourtant il n’existe pas de vraie solidarité entre ces flics et la cohésion n’existe pas car le régime l’empêche, chacun a peur des conséquences de ne pas être plus blanc et sans reproches que le voisin. C’est raconté avec suffisamment de finesse pour que le régime ne puisse rien redire au propos du film. Mais c’est bien là comme une déconstruction du lien social.
Puis à la moitié du film, le réalisateur renverse la vapeur et va nous parler du dealer, de l’énorme poisson qu’ils recherchent, après avoir décrit avec méthode et suspens les interrogatoires psychologiques et la façon de remonter la filière. Le personnage qui entre en jeu donne alors une dimension différente au film qui passe d’excellent polar à une introspection du milieu carcéral et d’où viennent ces anonymes dealeurs ou consommateurs. Il ne cherche pas d’excuses au mal, il l’explique juste avec humanité et des petites scènes toutes simples qui emportent autant l’émotion qu’elle révèlent une grande maturité de ce grand cinéaste qui nait devant nos yeux.
Après un film haletant, complexe, qui passe à toute allure telle la première scène de course poursuite, le cinéaste brosse un portrait édifiant et d’une efficacité redoutable, sans aucun pathos, juste factuel.
« La loi de Téhéran« est un très grand film politique et social tout en étant surprenant et en tenant en haleine du début à la fin.
Grosse claque !
La piste aux Lapins :
1er ex-aequo 2021
« Dune » de Denis Villeneuve
Dire que j’attendais le film de Denis Villeneuve est un euphémisme tant je suis fan absolu de l’œuvre de Franck Herbert, agacé par la version pudding de David Lynch ou le niveau pathétique auquel la saga Star Wars a pu atterrir. Il faut dire que le cycle de Dune est tout ce que l’on peut rêver sur grand écran. Le scénario orchestre une lutte de pouvoirs à la Games of Thrones avec un sous texte écologique d’une planète dont on exploite les ressources au point de l’avoir transformée en planète de sable. Par ailleurs on y voit naitre une résistance et un fanatisme religieux autour d’un messie vengeur. Dune est incroyablement contemporain des maux de notre monde actuel, ce qui est le propre d’un grand récit de science-fiction que de faire réfléchir sur nous mêmes.
On a beaucoup parlé de l’impossibilité d’adapter ce roman, de la tentative folle d’Alejandro Jodorowsky avec Salvador Dali, Orson Welles, Alain Delon et Mick Jagger et puis du film boursoufflé et frustrant de Lynch et de la série cheap des années 2000.
Denis Villeneuve a donc eu une riche idée de couper le premier livre en deux. Certes, il ne développe pas tous les personnages, le docteur Yueh et Peter de Vries sont très peu présents et certains personnages ont été effacés du récit comme Feyd Rautha, le neveu Harkonnen qu’incarnait Sting ou l’empereur Shadam IV. De même, le Baron Vladimir Harkonnen n’est vu que sur quatre petites scènes, Villeneuve choisissant de le montrer de loin, de ne pas s’attarder et de ne pas en faire un méchant caricatural. C’est plutôt bien vu car il est effrayant à la manière de l’empereur dans les premiers Star Wars historiques. Et le temps gagné sur certains personnages est attribué au climax du film et à plusieurs membres des Atreides comme Duncan Idaho (Jason Momoa), le véritable héros de la saga de Franck Herbert, que l’on devrait retrouver (lui ou une version plus jeune) si les films sont un succès et que la saga est adaptée sur ses six tomes, espérons !!!
C’est donc une totale réussite que cette adaptation dont le casting cinq étoiles est pertinent, chaque personnage étant facilement identifiable de par son physique à son caractère. Oscar Isaac est un Duc Léto parfait de bienveillance et de tragédie, Rebecca Ferguson est une dame Jessica peut-être plus humaine que dans le livre mais ceci permet d’amener une émotion que certaines critiques trouvent trop peu présente. Javier Bardem en Stilgar, Josh Brolin en Gurney Halleck, Charlotte Rampling en révérende mère Bene Gesserit. C’est parfait et c’est classe. Surtout ceci permet de poser les nombreux personnages avec une grande fluidité et simplicité.
Mais surtout, Timothée Chalamet est impressionnant dans le rôle de Paul et trouve son meilleur rôle de sa jeune carrière et porte le film. Sa jeunesse physique rend le personnage de jeune prince qui se cherche (et a 16 ans au début du livre) particulièrement crédible.
Ce qui impressionne également dans ce space opéra c’est le visuel monumental des vaisseaux, des palais, d’une imposante sobriété en terme d’imagerie SF mais surtout qui renouvellement cette imagerie comme l’avait fait Villeneuve avec Premier Contact. Les décors sont d’une beauté confondante qui créé instantanément un monde ultra crédible et à la fois assez proche de nous. On peut croire à la réalité de ce monde tant le côté minéral et simple des palais et des vaisseaux est savamment pensé. L’une des grandes réussites du film est son ampleur qui n’étouffe pas les personnages. On les voit évoluer dans des espaces immenses mais jamais ces monuments n’écrasent l’intimité, la proximité des personnages.
Le visuel du fameux vert des sables comme des yeux bleus des Fremen ou même de l’épice, source de la guerre, sont tous très réussis.
Ensuite, à cette beauté et cette sobriété, Denis Villeneuve va nous présenter des scènes cultes déjà vues mais avec la même précision clinique, libérée du kitch des adaptations précédentes, pour mieux se concentrer sur le décalage entre la planète des Atreides (qui ressemble à la terre) et la planète des sables. Il passe du temps à nous immerger dans ce choc de culture et de civilisation pour mieux expliquer le déracinement de la famille de Paul puis sa confrontation aux résistants Fremen. On y parle alors de surexploitation de ressources naturelles, de colonisation brutale, ce qui place Dune très au dessus de n’importe quelle saga de SF par sa maturité et l’ampleur de ses sujets abordés. Clairement, Dune n’est pas un film avec du comique mais quand on voit la stupidité des tentatives de Disney ou Lucas (hello Jar Jar) de renouer avec Han Solo et se vautrer lamentablement, je préfère l’absence d’humour.
L’humain est au cœur de cet engrenage complexe qu’arrive à restituer de manière limpide Denis Villeneuve. La confrontation est presque plus entre le destin/le jeu politique et une famille sincère qui cherche à gouverner avec sagesse, entre des infrastructures immenses et la proximité avec ces personnages qui paraissent nus. D’ailleurs une scène avec Leto joue à fond sur la nudité comme pour amplifier l’impuissance et l’écrasante petitesse de l’homme par rapport au complot qui s’abat sur lui.
Villeneuve est un cinéaste éminemment visuel qui sait user de l’atmosphère qu’il créé pour simplifier la parole. Et c’est vrai que ce Dune est beaucoup plus contemplatif car moins ramassé que son prédécesseur mais aussi moins bavard. Exit les longues explications en voix off ou les discours trop longs. Ici, une bonne partie passe par les lieux, les lumières et c’est bluffant d’intelligence.
Ce dépouillement s’allie à la bande-son du cultissime Hans Zimmer, qui signe là de nouveau un score envoutant.
La réussite incroyable de ce Dune, part one est donc tout autant dans son casting impeccable et la psychologie des personnages respectée que le design des lieux et des vêtements qui rend le tout organique et ultra réaliste, à mille lieux des délires cosmiques d’une autre saga que Villeneuve gadgétise de part le brio de sa mise en scène.
Il faut évidemment espérer que le filme cartonne pour qu’il y ait la partie 2 de lancée en 2022 mais aussi une adaptation des autres tomes qui, de livres en livres, nous emmèneront plus loin dans ce monde curieux qui fait réfléchir sur nos propres civilisation à travers plusieurs millénaires si l’on va jusqu’à La Maison des Mères.
Denis Villeneuve a signé un chef d’œuvre de science fiction, d’une grande fidélité au roman de Franck Herbert et qui redonne ses lettres de noblesse à une science-fiction adulte et consciente des thématiques profondes qu’elle charrie.
Dune est non seulement une non-déception mais surtout une excellente surprise de l’un des plus brillants réalisateurs au monde et vous devez y courir vite pour soutenir le cinéma d’auteur allié au blockbuster, le cinéma divertissant et exigeant, celui qui vous happe et vous emmène très très loin tout en vous faisant réfléchir à la société d’aujourd’hui.
Denis Villeneuve peut être très fier de lui et de ses équipes, il l’a fait, il a réussi à transposer le monstre Dune à l’écran. Mille mercis pour ce film ambitieux et spectaculaire, confondant de beauté, d’une grande intelligence scénaristique et qui est la plus belle adaptation que l’on pouvait rêver. Dune est enfin incarné.
La piste aux Lapins :
Et le podium exceptionnel du Blanc Lapin pour 2021 !