Cette nouvelle rubrique du Blanc Lapin, « Dans quel trou est tombé…tel acteur, actrice, metteur en scène ? » est destinée à couvrir cette période de confinement et l’absence de news de tournage tout comme l’absence de sorties cinéma pour une période indéterminée. Le monde entier s’arrête pour la première fois de l’histoire, dans une parenthèse qui on l’espère annoncera des jours meilleurs. C’est dans cette logique que s’inscrit ces articles, dans une période où on nous parle de morts, de danger, où tout le monde a peur de l’inconnu, de la récession économique et d’avenir compliqué…le Blanc Lapin vous propose justement l’inverse, à savoir de parler de stars qui ont passé un passage compliqué et sur lesquels l’espoir n’est pas mort.
On va s’intéresser à un artiste de talent qu’on voit beaucoup moins et comprendre déjà pourquoi il ou elle est important et si c’est vraiment mal barré pour sa carrière mais sur un ton optimiste !
Après Michael Fassbender, qui de mieux que l’extrêmement talentueux et extrêmement décrié Johnny Depp ! Est il vraiment has been et finis ?
Vous êtes prêts ? Passons donc par le terrier du Blanc Lapin pour voir ce qu’il y a de l’autre côté de la déchéance de ce dernier !!!
Johnny Depp est né le 9 juin 1963, il a donc 56 ans et c’est après avoir joué dans deux groupe de rock et fait la première partie d’Iggy Pop que Depp rencontre Nicolas Cage. Ce dernier le présente à son agent qui lui fait tourner dans Les Griffes de la nuit (1984) de Wes Craven. Il enchaine un autre petit rôle dans Platoon d’Oliver Stone avant de voir sa notoriété exploser avec la série télévisée 21 jump street. Pour débuter sa carrière ciné en premier rôle il va casser son image de beau gosse ou tout du moins en jouer avec Cry-Baby en 1990, du provocateur John Waters. Si ce dernier n’a pas toujours été d’une grande finesse, son film est plutôt réussi et vise juste, permettant à Iggy pop de jouer aux côtés de son pote.
Mais sa vie va changer à jamais en rencontrant Tim Burton qui deviendra l’un de ses meilleurs amis et avec qui il a tourné pas moins de huit films mais nous reviendront plus tard sur cette overdose et cette erreur néfaste.
La première collaboration est donc Edward aux mains d’argent, qui va devenir un classique, permettant à Johnny de jouer un rôle à la Buster Keaton, l’un de ses idoles dans l’un des films les plus poétiques et sensible de Burton. L’imaginaire de Tim Burton explose aux yeux du grand public et le réalisateur débute une décennie qui le mènera en haut de la chaine alimentaire hollywoodienne. Son univers très marqué, très reconnaissable va faire grossir sa fan base peu à peu par cette noirceur teenager et candide entre le grand public et l’horrifique de carton pâte.
En 1993, Gilbert Grape lui permet d’enchainer un autre très bon film de Lasse Hallström, aux côtés d’un Léonardo DiCaprio incroyable en adolescent attardé. Depp est pausé mais très juste et Léo lui vole un peu la vedette. Benny & Joon de Jeremiah S. Chechik est sa première erreur de choix, le film étant franchement évitable. Depp était attiré par ce personnage de marginal et un nouvel hommage bien lourd à Buster Keaton mais c’était carrément cliché. En 1994 il enchaine deux excellents longs métrages.
Sa seconde collaboration avec Tim Burton lui permet de livrer probablement le meilleur film du maitre et sa meilleur interprétation. Il s’agit bien entendu de Ed Wood, le pire réalisateur de l’histoire. Le casting composé de Bill Murray et Martin Landau est génial, le noir et blanc sied à merveille au propos de ce looser magnifique rêvant plus grand que lui et Johnny Depp prouve au monde entier qu’il est juste génialement bon.
Puis il tourne Arizona Dream avec Emir Kusturica, au sommet de sa gloire. Le réalisateur Serbe a tourné déjà un chef d’œuvre avec Le temps des Gitans et a reçu une palme d’Or (Papa est en voyage d’affaires) avant d’en recevoir une seconde deux ans après pour Underground. Entre les deux il tourne aux Etats-Unis cette histoire perchée qui sied particulièrement aux rôles de marginaux qu’affectionne Depp. Ce n’est pas le meilleur de Kustu mais le film a un charme fou, une bande originale chantée par Iggy pop sur une musique géniale de Goran Bregović. Jerry Lewis et Faye Dunaway sont parfaits.
Les choix intelligents de Johnny Depp s’enchainent et sa carrière aligne de très grands noms et de grands films à une vitesse impressionnante. Certes Meurtre en suspens est une daube lui permettant juste de jouer aux côtés du cultissime Christopher Walken, certes Don Juan de Marco n’est pas un grand film mais lui permet de jouer aux cotés d’une autre de ses idoles et pas des moindres, Marlon Brando ! Faye Dunaway est de nouveau de l’aventure pour ce film gentillet qui scelle une amitié sincère entre Johnny Depp et le Dieu des acteurs. Peut être ce dernier lui aura t-il refilé le virus de l’autodestruction et du goût du fric pour le fric qui l’attaquera dans les années 2000.
Mais avec Dead Man en 1995, Johnny Depp joue a minima mais très bien dans l’un des chefs d’œuvres de Jim Jarmusch, une ode au poète anglais William Blake dans l’ouest sauvage et d’un noir et blanc fascinant. Iggy est de retour, le film est souvent drôle, d’un rythme lent qui prend son temps comme tout Jarmusch mais d’une classe incroyable. Un hommage aux fumeurs d’herbe assez exceptionnel. En 1997, il s’essaie à la réalisation et joue dans The Brave, son ami Marlon Brando y jouant un horrible businessman, qui propose à un pauvre d’un bidonvelle un snuff movie où il mourra moyennant l’argent qui sauvera sa famille. C’est un peu lourdeau et moyennement réussi.
Puis s’ajoutent trois autres chefs d’œuvres. D’abord Donnie Brasco de Mike Newell, excellent polar avec un Al Pacino génial et un rôle en or pour Johnny Depp. Il y est juste brillant de justesse et de finesse et prouve qu’il est alors l’un des meilleurs acteurs au monde.
Puis en 1998 c’es l’immense Las Vegas Parano du non moins immense Terry Gilliam. Depp y joue Raoul Duke dans un rôle autobiograhique de l’écrivain Hunter S. Thompson, également ami de Depp. Son interprétation est complètement perchée, il est méconnaissable tout comme Benicio Del Toro et le choix de Gilliam est assurément une idée excellente pour les idées visuelles que seul lui peut trouver. Le film est devenu culte depuis à juste titre. Il est incorrect et provocateur et donne là aussi un hymne aux drogues dures cette fois-ci ou plutôt à une époque des années 70 où tout était permis.
Il termine cette décennie fulgurante avec Sleepy Hollow, troisième collaboration avec Tim Burton sur une version bien morbide de la légende du cavalier sans tête. Le film est visuellement somptueux, Depp est génial, l’histoire aussi, un petit bijou gothique et un classiqsue.
A cette époque j’adore Johnny Depp. Il a joué avec d’immenses réalisateurs que j’adule et s’est illustré avec panache. Tim Burton, Terry Gilliam, Jim Jarmusch, Emir Kustrurica, et donc pas moins de huit films qui ont marqué le cinéma. Impressionnant.
ET là…çà commence à tanguer avec le début des années 2000.
Il poursuit sa logique de tourner avec de grands auteurs et choisit Roman Polanski pour La neuvième porte. Et contre toute attente, le résultat de cette enquête fantastique où le diable rôde, n’arrive pas du tout à la cheville de Rosemary’s Baby. Le film est très très moyen. Toujours en 1999, il tourne un film de SF atroce, Intrusion aux côtés d’une Charlize Theron toute jeune qui a bien failli griller son début de carrière tant leurs deux rôles d’endives aux prises avec un vilain esprit extra terrestre était pathétique. Puis les films catastrophiques s’enchainent avec The Man Who Cried où il joue un Gitan pas du tout crédible et ridicule puis Le Chocolat, film insupportable de mièvrerie où on se demande vraiment ce qu’il vient foutre là dedans après tant de rigueur dans les années 90.
Son mini double rôle excellent de travelo et de militaire sadique dans un cuba opprimé dans Avant la nuit de Julien Schnabel donne de l’espoir. Il ne choisit pas que des bouses. Espoir qui se confime avec l’adaptation de la BD From Hell d’Alan Moore par les frères Hugues. Pas un grand film mais une réussite toute de même autour du mythe de Jack l’éventreur. Trois mauvais films, trois moyens.
En 2000 c’est l’échec ultra médiatisé de ses retrouvailles avec Terry Gilliam et documenté dans le génial Lost in la Mancha. Le film L’homme qui tua Don Quichotte s’effondre au bout de quatre jours de tournage à cause d’intempéries et d’un Jean Rochefort atteint d’une hernie discale. C’est la déprime totale pour le réalisateur, les acteurs et votre blanc lapin préféré pour ce projet génial qui avait tout de bon sur le papier. On ne connaitra jamais cette version puisque celle sortie il y a deux ans a été maintes fois réécrite et qui si elle a déçu, reste un très un bon film de mon réalisateur préféré et une arlésienne de cinéma. J’ai suivi pendant 18 ans les soubresauts de Terry Gilliam pour faire revivre ce rêve et ce fut une aventure pleine de leçons de vie sur la résilience.
Le film Blow, sur un américain se transformant en trafiquant de drogue dans les années 60, lui permet de jouer avec Pénélope Cruz mais c’est de nouveau une mauvaise pioche.
En 2003, Johnny Depp fait un choix de carrière qui sur le coup lui ouvre les portes de la gloire et le propulse en méga star. En interprétant Jack Sparrow le pirate dans Pirates des Caraibes, il donne tout son talent à un personnage en cinq dimensions qui va donner de la vie et du caractère à une franchise Disney qui risquait d’être un pur produit. Le résultat est distrayant mais assez moyen. Hélas, le succès et l’argent font finir de tourner la tête de l’artiste qui enchainera quatre suites plus ou moins réussies, dans lesquelles il va s’auto-caricaturer jusqu’à devenir l’ombre de son personnage.
A partir de ce moment, on aura du mal à voir Johnny Depp autrement que grimé derrière des tonnes de maquillage, grimaçant de plus en plus et en jouant de moins en moins bien.
Il enchaine un rôle ridicule dans Desperado 2 de Robert Rodriguez, Rochester le dernier des libertains soit un film oubliable et oublié.
Un espoir éphémère renait avec le gentil Neverland où il joue James M. Barrie, auteur de Peter Pan, aux côtés de deux monstres, Kate Winslet et Dustin Hoffman.
Le film d’animation Les Noces funèbres de Tim Burton est un échec artistique et une tentative malhonnête, opportuniste et maladroite de renouer avec le succès de L’étrange Noel de Mister Jack.
Tim Burton est alors devenu une marque déclinée à en vomir et ses films ont déjà perdu leur âme. Et c’est bien le problème car outre le fait que Depp semble ne plus regarder le scénario ni le réalisateur pour jouer dans des merdes comme Fenêtre secrète (2004), il va enchainer son sort de carrière à celui de son ami Burton, lui même en chute libre d’inspiration et en autocitation perpétuelle. Charlie et la chocolaterie est une sucrerie immonde visuellement et surjouée à l’excès, insupportable.
En 2007, Sweeney Todd ne fait pas mieux et entendre Depp chanter dans cette comédie musicale rend carrément mal à l’aise, le glauque faisant concurrence à l’ennui et au ridicule. C’est faussement subversif et très très hollywoodien. Un troisième Pirate des Caraibes en 2007 poursuit la dérive mercantile.
Public Enemies de Michael Man en 2009 est un oasis avec un film mineur du maitre mais regardable où Depp joue enfin sans maquillage excessif et interprète le célèbre truand John Dillinger.
Johnny fait une très bonne action en 2007 en remplaçant au pied levé et gratuitement Heath Ledger, décédé en plein milieu du tournage de L’imaginarium du Docteur Parnassus. La chose « drôle » sur ce drame transformé en petit bijou de rêverie de Gilliam est que j’ai eu la même idée de stratagème que monTerry adoré pour boucler le film, avant qu’il ne l’annonce. Jude Law et Colin Farrel joueront aussi le personnage de Ledger lorsqu’il traverse le miroir magique au centre de l’histoire. Un bon film de plus donc pour un mini rôle pas prévu.
Et là c’est le drame et il s’enfonce. The Toursit en 2010 avec Angelina Jolie montre un Depp bouffi et apathique et le film est super mauvais. A t-il lu le scénario ? Alice au pays des merveilles de Tim Burton est un carton pour Disney responsable de la diarrhée de réadaptations en live de classiques animés du studio, dont on pâtit encore 10 ans après en terme de créativité. Le film est atroce et l’interprétation de Depp en chapelier fou est insupportable. J’avoue ne pas avoir eu le courage de voir sa suite en 2016 par besoin de préserver ma santé mentale devant ce brouillon indigeste.
Rhum express aurait du être une autre adaptation réussie de Hunter S. Thompson mais Depp est alors aveugle et confie le film à un inconnu lorsque Las Vegas Parano était confié à Terry Gilliam. Grave erreur.
La tristesse s’empare alors quand je vois sortir ses nouveaux films inlassablement mauvais et descendus par la presse. En 2011, le quatrième Pirates des Caraibes et la fontaine de Jouvence est un échec et Depp s’alloue 90 M$ de salaire à tel point que çà se voit dans les décors du film, impacté concrètement. Mais où est passé l’artiste curieux des années 90 ?
En 2012, il interprète un vampire très grimé dans le Dark Shadows de Tim Burton et la magie n’opère plus, le film est moyen, ce qui est déjà bien pour un Burton descendu bien bas. En 2013 on croit halluciner avec son nouveau rôle où on ne voit rien de lui, maquillé de 15 couches dans Lone Ranger, adaptation ratée d’une série des années 60. Le film est un four au box office et si dans les années 2000 Depp tournait dans la franchise des caraibes et des Tim Burton rapportant du pognon à défaut d’être bons, là çà commence à sentir mauvais pour l’aspect bankable. Le cercle pas vertueux du tout s’accélère avec le navet SF Transcendance en 2014 où Depp cachetonne et joue mal et qui se plante au box office et c’est bien fait !
J’ai perdu tout espoir et suis ultra déçu par l’individu et ses choix stupides et sans logiques depuis 15 ans lorsque Depp joue en 2015 dans l’excellent Strictly Criminal du très bon Scott Cooper. Son rôle de caïd irlandais de la mafia, James « Whitey » Bulger, qui va collaborer avec le FBI est excellent. Alors certes il est grimé et vieillis mais là on retrouve tout le talent immense que Depp peut avoir. Une respiration dans cette longue décrépitude artistique. Et bam çà repart dans le mauvais sens avec l’affligeant Charlie Mordecai, le cinquième Pirate des Caraibes, la vengeance de Salazar coulant au fond de l’Océan sur l’écran (pour de vrai le bateau coule) et en terme de résultat artistique et box-office mauvais.
En 2017, il cachetonne en salopard que tout le monde veut butter dans le remake fadasse de Kenneth Branagh d’Agatha Christie, Le Crime de l’Orient Express.
The professor sort directement sur Amazon prime qui a racheté les droits. Le film lui donne un rôle intéressant et c’est bizarre de voir que l’acteur a encore du talent malgré ces 20 années terribles.
Johnny Depp n’est plus désiré et il est vu comme has been. Ses frasques avec Amber Heard et son divorce hyper médiatique, accusé de l’avoir violentée en pleine période #MeToo font un écho pathétique en image de déchéance quand on se souvient du couple glamour et apaisé qu’il formait avec Vanessa Paradis. C’est triste.
Dans les années 90, il aligna 8 excellents films et les vingts années suivantes un seul vraiment excellent (Strictly Criminal), 10 films moyens et 23 absolument immondes !
Alors faut-il perdre tout espoir ?
Ses deux prochains films Waiting for the Barbarians et Minamata ont reçu des accueils très partagés en festivals mais donc peut être que l’un des deux sera bon au final. Surtout, Johnny Depp s’intéresse de nouveau à des films plus petits, à de vraies histoires et on l’espère pris conscience que sa chute à Hollywood était la conséquence de ses mauvais choix et de sa perdition. Autre bonne nouvelle pour lui, il a trouvé des enregistrements de son ex Amber Heard prouvant que c’était plutôt elle qui le frappait et qu’elle était d’un cynisme et d’une mauvaise foi incroyable, ce qui peut lui rouvrir les portes que les studios lui fermaient un à un. Enfin, viré de la franchise Pirates des caraïbes comme un malpropre avec des mots des patrons de Disney pas très classes alors qu’il était à terre, il a réussi à trouver le rôle récurrent de Gellert Grindelwald dans Les Animaux fantastiques. Le second film était vraiment nul mais lui jouait très bien et ceci lui assure de passer la vague et la mauvaise passe.
L’espoir c’est donc que Johnny Depp ait appris de ces cinq dernières années où sa carrière a vacillé et où les studios l’on lâché. Certes, à 56 ans, l’essentiel est derrière lui et il est curieux de la comparer à celle de Brad Pitt, star masculine du même âge, d’un charisme et talent aussi fort mais qui, lui, a construit peu à peu sa carrière avec pas que des bons choix la première décennie là où Depp s’est mis totalement en roue libre après une première décennie sans fautes.
Et comme Johnny Depp reste un excellent acteur et l’a prouvé par intermittences et petits Oasis, on peut avoir la foi malgré tout. Johnny reviendra dans un grand rôle et ceci dépend avant tout de lui ! Son pire ennemi fut son absence de discernement et sa fidélité aveugle à Tim Burton qu’il accompagnait dans sa chute d’inspiration ou aux sirènes du fric et d’un rôle de Pirate qu’il avait pimpé et qui avait fait sa fortune puis creusé sa tombe en terme de qualité.
Allez Johnny, surprend nous !