Archive pour la catégorie 'Qui se lit…'

Critique – « La malédiction d’Edgar » de Marc Dugain

16 janvier, 2010

Excellent bouquin, merci Nicolas.

 Critique -

50 ans d’histoire des coulisses du pouvoir américain vus par la lorgnette de Clyde Tolson, l’amant de John Edgar Hoover, patron du FBI de 1924 à 1972.

Il a côtoyé 8 présidents dont Roosevelt, Truman, Einsenhower, Kennedy, Lyndon Johnson soit 50 ans de pouvoir dans l’ombre. Un ogre paranoïaque, inamovible, que les présidentes des Etats-Unis ne pouvaient virer tant il savait tout sur tout le monde…les écoutes, les enquêtes musclées et le chantage étant les armes puissantes qu’il a inventées dans les années 20.

Il était républicain, très à droite, homosexuel refoulé  mais homophobe et condamnant ce caractère déviant pour lui, anticommuniste jusqu’à l’os. Cette intelligence supérieure était près à protéger la pègre pour concentrer tous ses efforts sur les infiltrations soviétiques. Un grand artisant du maccarthysme et de la chasse au sorcières. Un manipulateur hors pair pour qui la fin justifiait les moyens à savoir une morale assez particulière au service de son pays. Car malgré la monstruosité et le manque total d’empathie pour son prochain, Hoover est dépeint comme un serviteur de l’Etat qui se croit réellement investi d’une mission, défendre son pays. Son cynisme n’est pas aussi important que son raisonnement très normé, qui a toute sa logique propre. L’homme politique est faible et corruptible à merci, il suffit donc de tout savoir de sa vie pour le tenir un jour ou l’autre et éviter qu’il ne fasse n’importe quoi, à savoir pour lui, être un peu trop libéral….que ce soit des déviances tendant à donner plus de droits civiques aux noirs ou à autoriser une pensée s’orientant trop près de la gauche américaine. Et puis bien entendu, Edgar trouve tout à fait normal de rester en poste et de survivre aux présidents jusqu’à sa propre mort. Il a créé le FBI tel qu’il est et il est le seul à avoir suffisamment de morale puisqu’il se pense incorruptible.

La soif du pouvoir de John Edgar Hoover s’accompagnait d’un besoin de stabilité donc de dossiers très fournis sur tous ceux pouvant lui nuire ou nuire à l’Etat un jour. En revanche, il ne pouvait aller jusqu’à se présenter à des élections, le peuple étant trop ignare et influençable pour reconnaitre en lui son génie. Il était donc « consul à vie »  dont la carrière suivit longtemps celle de la famille Kennedy. Et pour le coup, la description du père Kennedy, Joe et de ses fils Bobby et John est assez consternante. L’amant de Hoover a sa propre théorie sur l’assassinat de Marilyn, de JFK et c’est assez drôle de la comparer à la théorie du grand écrivain de polars, James Ellroy, dans ses « American tabloid » et « American death trip »…car elles sont très proches.

Le livre, basé sur un manuscrit de l’amant de Hoover est bien entendu romancé et l’on ne sait ce qui est vrai ou faux. Cependant, les détails multiples donnent au récit une crédibilité forte. C’est un grand coup de pied dans le voile des illusions du mythe américain dont l’apogée est l’aire Kennedy. Jamais le décalage entre l’image publique et la réalité ne semble avoir été aussi marqué. Rien de surprenant me direz-vous ? Et bien pourtant si, on apprend pas mal de choses…

Je vous conseille donc ce livre très vivement. Un excellent moment.

Livre – « Un complot de saltimbanques » d’Albert Cossery

29 décembre, 2009

Merci Philippe pour ton conseil de lecture, le bouquin est très bon !!

Livre -

Ecrit à 86 ans par cet auteur égyptien francophone, ce roman très rapide à lire, à peine 200 pages, a la grande qualité de mélanger suspens, ironie noire et désabusée et qualité d’écriture remarquable.

De retour de six ans passés à l’étranger où il n’a pas du tout fait d’études mais vécu aux frais de son riche père, le jeune Teymour revient dans sa ville natale, un faux diplôme en poche…acheté à prix d’or. Son père lui a coupé les vivres, il n’a pas le choix. Et le garçon, qui aime par dessus tout l’oisiveté et la luxure, déprime à l’avance à l’idée de passer le restant de ses jours dans cette petite ville de province où rien ne se passe. Mais c’est sans compter sur ses deux amis d’enfance, qui partagent la même vision de la vie à savoir ne surtout pas travailler et vivre le plus possible sur le patrimoine familial, histoire de se concentrer sur la débauche et la culture. Hélas pour eux, le gouvernement les suspecte fort de faire partie d’un vaste complot anarchique…

Le livre regorge de bons mots, d’un phrasé qui fait du bien car Albert Cossery maitrise la langue française parfaitement. Le verbe est riche et l’histoire des divers personnages amusante et intriguante car la finalité des diverses pistes est impossible à deviner, le sujet étant suffisamment original pour ne point sentir le déjà vu. Derrière ces jeunes gens parfois très agaçants qui s’opposent à la bonne morale bourgeoise tout en profitant au maximum, Cossery dépeint un idéal de vie pas si déplaisant que cela voir même fort sympathique, avec une poésie et une justesse des mots qui font mouche.

Bref, lisez le…c’est excellent !!

Livre- J’ai tué Phil Shapiro de Ethan Coen (le réalisateur)

15 décembre, 2009

Livre- J'ai tué Phil Shapiro de Ethan Coen (le réalisateur) dans Qui se lit... j-ai-tue-phil-shapiro_couv

 Un détective privé mordu par un de ses clients, un boxeur incapable de se défendre, un tueur à gages malchanceux, un mafioso inoffensif…

Ceci vous rappelle quelquechose ? Normal, l’un des frangins de la plus célèbre fratrie du septième art, nous livre un bouquin très proche de leur univers.

 Il les aime les losers magnifiques ou pitoyables et de toute évidence, ce bouquin est pour vous si vous avez aimé Fargo, the Barber, o’brother, the big Lebowski et biens d’autres.

Ce n’est pas un roman dans lequel nous invite Ethan Coen mais un recueil de nouvelles très courtes. La lecture de ces 14 histoires s’effectuera très vite. Idéal à lire dans le métro. Si ce n’est que vous allez passer pour des cons car vous serez hilares la plupart du temps… 

Ethan Coen est cruel avec ses personnages de papier comme avec ses personnages filmés et c’est ceci qui fait le sel d’un très bon bouquin. De vrais abrutis pour beaucoup d’entre eux mais qui vous feront  passer un moment rare d’humour très noir, situé au fin fond de l’amérique profonde…

Une excellente idée de cadeau de Noel pour ce bouquin dont j’ai attendu plusieurs années la réédition… 

Livre- « De bons présages » ou « Good Omens » de Terry Pratchett et Neil Gaiman

5 décembre, 2009

Livre-

Ce bouquin est un classique, le livre de chevet de Terry Gilliam, qui tente de trouver le budget pour l’adapter depuis 15 ans et on comprend pourquoi !!! C’est très cinégénique et surtout, très drôle, d’un humour proche de l’ancien Monty Python.

Alors le pitch est d’enfer….L’apocalypse est programmée, dans 10 exactement, un gamin qui n’est autre que l’antéchrist va déclencher le jugement dernier…seulement voilà, ce n’est pas pour faire plaisir ni à Aziraphale, ange très intello et bibiothécaire ni à son ennemi, le démon Rampa (qui serait joué idéalement par Johnny Depp pour Gilliam).

C’est que Rampa, ça l’emmerde énormément ce plan pour lequel il est programmé depuis le début de la vie ou plutôt le jardin d’Eden, où il a fait la connaissance d’Aziraphale. Ben oui, il préfère largement les grosses voitures, l’alcool, sex and roch’n roll que les orgues de l’enfer…surtout que ça risque d’être toujours la même chose…on brule les âmes damnées, on les torture, elles crient et ce pour l’éternité…chiant quoi !! et puis Rampa il les aime bien ces humains qu’il a si souvent menés dans le mauvais chemin pour le compte de son patron. C’est vrai quoi !! ils sont cons mais sympas, leurs défauts sont attachants et il s’ennuierait sans eux. Pour Aziraphale, c’est un peu la même chose si ce n’est que lui apprécie tout ce qu’a créé l’humanité  en termes artistiques et il n’aura pas assez de l’éternité pour tout lire, voir, écouter. Et puis il les trouve pas si déprimants que cela. Rampa et Aziraphale, ils se connaissent bien, tellement bien qu’ils se sont rendus des services au cours des siècles, genre « tu me fais une saloperie à ma place et j’oublierai mes ailes de démon pour faire le bien…mais bon là, j’ai rencart, pas le temps…t’es sympa!! enfin non, t’es méchant là, méchant!!! sinon je me fais virer… » évidemment, un échange de service très secret sinon ils se feraient tuer…enfin non, c’est pas possible!! en tout cas, on les rapelerait et ceci est inenvisageable !!

chessplayers dans Qui se lit...

Et donc donc, les deux compères vont unir leurs forces pour éviter le pire.

Le livre est donc brillant dès lors que les deux énergumènes ou les 4 cavaliers de l’Apocalypse apparaissent, c’est à hurler de rire et c’est très très con. Hélas, c’est loin d’être parfait, et sur 438 pages, une bonne centaine, perchées au milieu sont bien moins interessantes, la faute aux personnages secondaires qui y sont décrits et qui sont bien moins croqués que les autres. Espérons que si Gilliam le réalise (ce qui est peu probable), il saura couper ce passage. Cependant il serait dommage de ne pas lire ce petit livre sympathique, distrayant et vraiment très marrant… »so british!! »

Livre-Bandini de John Fante

22 novembre, 2009

Livre-Bandini de John Fante dans Qui se lit...
Bandini c’est l’histoire certainement très autobiographique d’Arturo, adolescent italien vivant dans le Colorado, dans les années 20, dans une famille d’immigrés très pauvres. Fante est un grand Monsieur mais c’est peut être par ce livre qu’il faut commencer avant de lire « Demandes à la poussière ». La description qu’il fait de son milieu, de l’humiliation d’être traité comme des moins que rien est saisissante de vérité. Arturo enrage de voir l’impuissance de sa mère, livide d’avoir donné naissance à trois garçons, et d’avoir à gérer le foyer dans la misère… Alors il attend le retour du roi,  son père sans travail qui se perd dans l’alcool. Il est bagareur, parfois très injuste avec sa mère si faible, il est aussi bon que sans concessions et d’une brutalité désobligeante. C’est qu’Arturo est encore un enfant, sans barrières morales et bien plus blessant qu’un homme accompli.

Raconté comme cela c’est certain, ça donne moyennement envie…ce n’est pas un bouquin qui fait rire. Fante vous balade dans un environnement très dur et vous y immerge avec talent, il vous fait tréssaillir du quotidien de cette famille, vous donne à guetter vous aussi le retour du père, de l’homme de la famille. Ce père que l’on déteste tant mais que l’on respecte aussi car c’est un homme, un vrai. Alors on lui pardonne aussi, pauvres lecteurs, à ce père si fragile et si lâche…car c’est à travers les yeux d’un fils admiratif que John Fante nous le décrit.

Enfin, la détresse qui se dégage de ces jeunes parents aux visages de centenaires est d’une beauté éprouvante.

Mais pas de misérabilisme gratuit chez Fante, ça sent le vécu et les personnages n’en sont pas plus sympathiques. Bien au contraire…pas le temps de s’attendrir…

A lire de toute urgence!!

Livre-Waiting period d’Hubert Selby Jr

22 novembre, 2009

Livre-Waiting period d'Hubert Selby Jr dans Qui se lit... 2080686046

L’auteur de « Requiem for a Dream », « Last exit to Brooklyn », « le démon »,
« la goele », est mort en 2004. Son dernier bouquin fut écrit un an
avant, à 75 ans, même pas publié chez ses compatriotes, aux Etats Unis
d’Amérique.J’ai lu « Waiting period » d’une traite, une fuite en avant dont la ponctuation est souvent vagabonde.Comment
rentrer dans la tête d’un mec bien barré qui plutôt que de se suicider,
décide d’appliquer la sentance à autrui. Le livre nous fait vivre à
travers ses yeux toute sa réflexion compulsive, désordonnée et
entrecoupée de passages déroutants car pas si fous que celà. Et c’est
ceci qui est dingo dingo !!

Merci donc au grand Selby d’avoir lancé cet « ultime jet
d’ancre », d’une ironie noire à couper au rasoir. Un chef d’oeuvre que
je vous recommande avec enthousiasme et passion, si vous ne l’avez déjà
lu.

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